samedi 13 septembre 2014

Porporino ou Les Mystères de Naples - Dominique Fernandez

Le XVIIIème siècle vit l'apogée et la fin des castrats, ces chanteurs d'opéra que l'on avait volontairement castrés avant leur puberté afin qu'ils conservassent leur voix exceptionnelle. Bien loin de ne jouer que des rôles féminins, ils interprétaient également des rôles d'hommes, qu'écrivaient tout spécialement à leur intention des compositeurs comme Métastase.

Dans "Porporino ou les Mystères de Naples", c'est au destin de l'un de ces chanteurs, de son enfance dans un petit village italien jusqu'à sa vieillesse sur les rives du Neckar, que nous attache Dominique Fernandez.

Remarqué pour la qualité de son chant par le prince de Sansevero, le jeune Vincenzo del Prato est vendu aux gens du prince par son père, évidemment très pauvre et qui, d'ailleurs, ne l'aime guère. Après son opération, accomplie dans les règles de l'art de l'époque par le Dr Salerno, Vincenzo, qui se choisira par la suite le nom de scène de "Porporino" en hommage à un illustre castrat, est intégré au Collège des Pauvres en Jésus-Christ de Naples, véritable pépinière de compositeurs et de chanteurs.

Il y rencontrera Feliciano, à qui il vouera un amour platonique, et qui périra de façon atroce à la fin du roman, victime de la folie du prince Sansevero.

Mais au-delà l'intrigue, le romancier entend surtout dépeindre une époque où la Tradition commençait à se heurter avec violence aux idées nouvelles , jaillies entre autres de France. Ce n'est pas encore le temps de la Révolution française, puisque nous sommes sous le règne de Louis XV, mais la société est en pleine ébullition.

Au hasard des soirées auxquelles sont invités les élèves du Collège bénéficiant, comme Porporino et Feliciano, d'une haute protection, défilent un Casanova vieillissant, un Mozart encore tout jeune et bien d'autres. Les amateurs de rhétorique se disputent sur le thème de la liberté des idées et aussi sur celui de la barbarie que représente l'opération infligée aux castrats.

En parallèle, Dominique Fernandez nous fait partager sa connaissance - qui est grande - de l'art musical italien. Et puis, bien sûr, il nous fait visiter la ville de Naples, qu'il nous dépeint comme une espèce de reine puissante et encore belle mais déjà atteinte par les premiers symptômes de la petite vérole. Quant à son analyse des douloureux rapports père-fils qui peuvent mener un jeune garçon à l'homosexualité, elle est remarquable en tous points.

Le style, d'une élégance impeccable, est un vrai régal. La construction, quant à elle, est - à mon avis - un peu bancale : on passe trop brutalement de l'enfance de Vincenzo aux jours de Naples. A lire cependant comme une curiosité, surtout pour les amateurs de musique classique qui seront sans doute ravis de croiser çà et là l'image de Farinelli ou de Caffarelli.

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