dimanche 28 septembre 2014

Rashômon & Autres Contes - Akutagawa Ryûnosuke (2)

Extrait de "Rashômon" :
Citation :
[...] ... Ainsi qu'il [le héros de la nouvelle, toujours dénommé soit "l'homme", soit "il"] l'avait entendu dire, les cadavres négligemment jetés jonchaient le sol. Mais, le champ de la lumière étant plus étroit qu'il ne l'avait imaginé, il n'arriva pas à en préciser le nombre. Il pouvait seulement distinguer, sous la faible lumière, des corps nus et d'autres encore vêtus. Il y avait des hommes et des femmes, semblait-il. Tous ces cadavres, sans exception, gisaient sur le plancher, à la manière de poupées en terre, bouches bées, bras allongés. Qui y reconnaîtrait des êtres vivants d'hier ! Certaines parties proéminentes de ces corps, comme les épaules ou la poitrine, éclairées par de vagues lueurs, rendaient le reste plus sombre encore. Ils étaient ainsi comme figés dans un mutisme implacable.

A l'odeur de pourriture, l'homme se boucha instinctivement le nez de sa main, qu'il laissa vite retomber. Car une sensation plus forte vint presque abolir son odorat.

C'est qu'à cet instant ses yeux venaient de discerner une forme accroupie au milieu des cadavres. ... [...]
 
Extrait de "Dans le Fourré" :

Citation :
[...] ... CONFESSION D'UNE FEMME VENUE AU TEMPLE DE KIYOMIZU

Après m'avoir violentée, cet homme à la robe de chasse bleu foncé ricana sous les yeux de mon époux qui était ligoté. Oh ! comme mon mari a dû lui en vouloir ! Mais ses contorsions ne faisaient qu'enfoncer encore dans sa chair la corde qui le retenait. Instinctivement, j'ai couru, non, j'ai voulu courir de toutes mes forces vers mon mari. Le brigand, sans me laisser le temps de le faire, m'a donné un coup de pied et je suis tombée. A cet instant même, j'ai vu un étrange éclair passer dans les yeux de mon mari. Vraiment étrange ... Ce regard, maintenant encore, chaque fois que je me le rappelle, me fait tressaillir. Ne pouvant me dire le moindre mot, mon mari a enfermé dans son bref regard tout ce qu'il ressentait. Ce qui étincelait dans ses yeux, ce n'était ni de la colère, ni de la tristesse. Etait-ce autre chose qu'une lueur glaciale de mépris ? Frappée plus fortement par ce regard que par le coup de pied du malfaiteur, j'ai inconsciemment crié quelque chose et je me suis évanouie. ... [...]
 

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