mardi 30 septembre 2014

Izumi Kyôka (II)

En 1902, souffrant de problèmes gastro-intestinaux issus des séquelles du béribéri, Izumi part en convalescence à Zushi, dans la Préfecture de Kanagawa, à l'Est du Japon. Il vit seul, se faisant néanmoins aider pour la cuisine par une femme que lui a recommandée un ami d'enfance et qui s'appelle Itô Suzu. En mai 1903, tous deux se mettent en ménage à Ushigome, dans un quartier hanamachi - c'est-à-dire voué aux geisha et au plaisir - nommé Kagurazaka. Mais les sévères objections de son ancien Maître, Ozaki Kôyô, retiennent Izumi sur la voie de l'officialisation.

Or, en octobre de la même année, Ozaki décède. Même sur son lit de mort, il continuait à s'inquiéter pour l'avenir de son disciple - et aussi à corriger ses manuscrits. Deux ans plus tard, c'est sa grand-mère, âgée de quatre-vingt-sept ans, que perd Izumi. Ses maux d'estomac se font plus violents et il doit retourner à Zushi. Il compte n'y demeurer qu'un seul été mais il y restera en fait quatre ans. Durant toutes ses années, il se nourrit principalement de gruau de riz et de patates douces. En dépit d'un maladie qui le laisse souvent dans un état de semi-torpeur et d'une maison qui fuit de toutes parts lorsqu'il pleut, Izumi réussit à écrire plusieurs histoires dont "Shuchû gokokû / Un Jour Au Printemps". Sa maladie autant que les mauvaises conditions dans lesquelles il loge contribuent à donner au récit son atmosphère éthérée, digne d'un autre monde.

En 1908, l'écrivain peut rentrer à Tôkyô et se trouve un emploi à Kôjimachi, dans la banlieue. Il continue évidemment à écrire et, en 1910, sortent "Shamisenbori / Le Canal Samisen" - que Kafû tenait en très haute estime - et "Uta Andon / Chanson Pour La Lumière des Lanternes." A la même époque, il publie les cinq premiers tomes de ses oeuvres complètes.

Fort de sa popularité grandissante, Izumi attaque l'Ere Taishô [= juillet 1912 / décembre 1926] en se tournant vers le théâtre. En 1913, il compose "Yasha ga Ike / La Mare au Démon" et "Kaijin Bessô / La Villa du Dieu de la Mer." L'année suivante, sort "Nihonbashi." Mais la maladie s'entête et, durant l'été 1916, il se voit contraint de passer trois bons mois chez lui. 


1927 est consacrée à un voyage dans la région de Tôhoku où l'écrivain visite le lac Towada et la Préfecture d'Akita. L'année suivante, Izumi contracte une pneumonie. Il s'en remet à peine qu'il part pour la ville d'Izu, Préfecture de Shizuoka, célèbre pour ses sources chaudes venant des montagnes. Enfin, en 1929, il se rend à Ishikawa afin d'y visiter la pittoresque péninsule de Noto.

Il tient un grand nombre de carnets de voyages et continue à écrire nouvelles et pièces de théâtre. En 1937, le Tokyo Mainichi et l'Osaka Mainichi publient en feuilleton son dernier grand texte : "Usu Kôbai."

Izumi Kyôka décède à Tôkyô, des suites d'un cancer du poumon, le 7 septembre 1939, à 2 h 45 du matin.

Excentrique et superstitieux, il avait assis sa réputation d'écrivain sur le grotesque et le fantastique. "Kôya Hijiri / Le Saint Homme du Mont Kôya" par exemple raconte le voyage d'un moine dans une région montagneuse et sauvage, voyage pendant lequel il est confronté à des faits et événements inexplicables et dérangeants. Empruntant à la tradition populaire d'Edo, au folklore national et aussi au théâtre des thèmes qu'il embellit, Izumi intègre à plus de la moitié de ses textes une certaine forme de surnaturel.

Par le style, il doit beaucoup à la technique narrative du rakugo mais n'hésite pas à recourir également aux dialogues dramatiques du théâtre Kabuki. Il aime enfin à dépeindre l'existence dans le quartier de plaisirs d'Edo et pour cette raison, on le compare souvent à ses contemporains Kafû et Tanizaki Jun'ichirô. Mais Izumi utilise bien plus souvent une intrigue complexe et pleine de suspense. L'un de ses thèmes favoris reste en outre celui de la femme plus âgée et belle qui prend soin d'un jeune homme.

De nos jours, ses pièces, toujours aussi populaires, sont jouées dans tout le Japon. A celles que nous avons déjà citées plus haut, nous ajouterons "Tenshu monogatori / La Tour du Château."

En 1973, pour célébrer le centenaire de la naissance d'Izumi Kyôka, un prix littéraire portant son nom a été mis en place par la ville de Kanazawa.

Signalons pour terminer que les Editions Picquier ont publié quelques uns des textes d'Izumi, dont "Le Camphrier". Mais l'essentiel reste à faire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire