lundi 29 septembre 2014

Mishima Yukio (I)

25 novembre 1970, Tôkyô (Japon) : décès de Hiraoka Kimitake, dit Mishima Yukio, dramaturge, essayiste, nouvelliste & romancier.
La famille où le futur romancier vit le jour, le 14 janvier 1925, était sous l'emprise absolue de sa grand-mère paternelle, Natsuko, femme de grande autorité et de caractère très spécial. Or celle-ci estima - à tort - sa belle-fille, Shizue, incapable de s'occuper de l'enfant et déclara tout net qu'elle serait seule à l'élever. Quand le petit Kimitake voulait voir sa mère, il était donc obligé d'attendre soit que sa grand-mère s'absentât, soit qu'elle fît la sieste. En d'autres termes, mère et fils étaient tenus de se voir en cachette. Ce type d'obligations aberrantes marqua durablement l'écrivain et la relation qu'il entretint avec sa mère. Autre évènement marquant dans cette enfance étrange : le décès de la soeur de Kimitake, Mitsuko, emportée par le typhus.

Mais revenons à la grand-mère dont la personnalité influencera si durablement l'homme et l'écrivain Mishima. Petite-fille illégitime de Yoritaka Matsudaira, daïmyo de Shishido, dans la province d'Hitachi, elle avait grandi dans la demeure du prince Arisugawa Taruhito, lequel appartenait à la branche cadette de la famille impériale. Toute sa vie, elle allait maintenir ses prétentions aristocratiques et son mariage avec le grand-père de Kimitake, qui avait fait fortune dans les régions nouvellement colonisées par le Japon et devint par la suite gouverneur-général de Karafuto, dans la région de Sakhaline, n'y changea absolument rien. La fascination de Mishima pour la violence et la Mort semble bien provenir de l'idéal samouraï professé par cette grand-mère que, malgré tout, il aimait. Pourtant, par peur hypocondriaque, elle ne lui permettait ni de prendre le soleil, ni de pratiquer du sport et encore moins de jouer avec d'autres garçons de son âge. Elle le conservait dans ses appartements où il se retrouvait seul ou alors avec les femmes de la famille.

A douze ans, l'adolescent repassa tout de même sous l'autorité directe de son père. Ce dernier, très féru de discipline militaire, n'eut très tôt que mépris envers les lectures et les écrits de son fils. A ses yeux, la littérature relevait d'un monde efféminé et il lui arriva, à cette époque, de détruire les manuscrits de son fils.


Membre dès ses six ans d'une Académie militaire, Kimitake commença à écrire à peu près à douze. Il dévora toute l'oeuvre d'Oscar Wilde, celle de Rainer Maria Rilke et de très nombreux classiques japonais. Il était également attiré par les textes de Tachihara Michizô, poète mort de tuberculose à l'âge de vingt-quatre ans, en 1939.

Ce fut pour le magazine littéraire de son Académie qu'il écrivit une nouvelle intitulée "Hanazakari no Mori / The Forest in Full Bloom". Le narrateur y décrit sa certitude que ses ancêtres continuent de vivre quelque part en lui. Le texte impressionna tellement les professeurs de l'adolescent qu'ils le recommandèrent au prestigieux magazine "Bungei-Bunka." L'histoire, qui use déjà des métaphores et des aphorismes qui, plus tard, deviendront la marque de fabrique de Mishima, sort sous forme livresque en 1944, dans un tirage limité en raison des restrictions sur le papier imposées par l'effort de guerre. Afin de le protéger d'une possible réaction négative de la part de certains de ses condisciples, ses maîtres lui conseillent d'adopter un pseudonyme. Ce sera Mishima Yukio.

Dans "Tabako / The Cigarette", un texte de 1946, il raconte les problèmes qu'il rencontra dans son école lorsqu'il finit par confesser aux membres du club de rugby qu'il appartenait à un groupe littéraire. Il reprendra le thème dans une nouvelle de 1954, "Shi o Kaku Shônen / The Boy Who Wrote Poetry."

Se place ici l'un des faits les plus curieux peut-être de la vie de Mishima. Alors qu'il est convoqué pour rejoindre l'Armée impériale, il profite du check up d'usage pour mentir au médecin militaire et s'inventer des symptômes de tuberculose qui le rendent, bien sûr, inapte au service ...

Chez lui et malgré la défense expresse de son père, il continue à écrire secrètement, chaque nuit, avec le soutien et la protection de sa mère qui restera jusqu'au bout sa première lectrice.

En 1947, à vingt-deux ans, Kimitake obtient son diplôme de l'Université de Tôkyô. Grâce aux relations de sa famille, il se voit proposer un poste officiel au ministère des Finances et semble promis à une belle carrière.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire