lundi 29 septembre 2014

Dojoji & Autres Nouvelles (2)


"Patriotisme" et la fin de Reiko, l'épouse du lieutenant :

Citation :
[...] ... Reiko s'assit à un demi-mètre environ du corps du lieutenant. Elle ôta le poignard de sa ceinture, regarda longuement l'acier poli de la lame qu'elle porta à sa bouche. L'acier lui sembla légèrement sucré.

Reiko ne s'attarda pas. Elle se disait qu'elle allait connaître la souffrance qui, tout à l'heure, avait ouvert un tel gouffre entre elle et son mari, que cette souffrance deviendrait une part d'elle-même et elle ne voyait là que le bonheur de pénétrer à son tour dans un domaine que son mari avait déjà fait sien. Dans le visage martyrisé de son mari, il y avait quelque chose d'inexplicable qu'elle voyait pour la première fois. Elle allait résoudre l'énigme. Reiko sentait qu'elle était capable de goûter enfin, dans leur vérité, l'amertume et la douceur du grand principe moral auquel croyait son mari. Ce qu'elle n'avait jusqu'ici perçu qu'à travers l'exemple de son mari, elle allait le goûter de sa propre bouche.

Reiko ajusta la pointe du poignard contre la naissance de sa gorge et brusquement l'enfonça. La blessure était légère. La tête en feu, les mains tremblantes, elle tira vers la droite. Un flot tiède emplit sa bouche et devant ses yeux, tout devint rouge, à travers le jaillissement du sang. Elle rassembla ses forces et s'enfonça le poignard au fond de sa gorge. [...]
 

Le début de "La Perle", qui donne le ton du récit :
Citation :
[...] ... Le 10 décembre était l'anniversaire de Mme Sasaki, mais comme elle voulait le célébrer le plus discrètement possible, elle n'avait invité chez elle pour prendre le thé que ses amies les plus proches. Se réunirent donc Mmes Yamamoto, Matsumura, Azuma et Kasuga - toutes avaient quarante-trois ans, le même âge que leur hôtesse.

Ces dames faisaient partie pour ainsi dire d'une société secrète : Ne Pas Avouer Son Age, et l'on pouvait implicitement compter qu'elles n'iraient pas raconter combien il y aurait de bougies sur le gâteau.
N'avoir convié à son anniversaire que des invitées aussi sûres montrait bien la prudence habituelle de Mme Sasaki.
Pour les recevoir, Mme Sasaki mit une bague ornée d'une perle. Des diamants pour une réunions exclusivement féminine n'auraient pas été du meilleur goût. En outre, les perles allaient mieux avec la couleur de la robe qu'elle portait ce jour-là.

La réception venait juste de commencer, et Mme Sasaki s'était approchée pour vérifier une dernière fois le gâteau, lorsque la perle, mal enchâssée et qui bougeait déjà un peu, finit par échapper et tomber. Ce qui parut un accident de bien mauvais augure pour l'agrément de la réunion, mais il aurait été encore plus embarrassant que tout le monde s'en aperçût, et Mme Sasaki laissa la perle contre le rebord du grand plat qui contenait le gâteau, en décidant de s'en occuper plus tard. ... [...]
 

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