dimanche 28 septembre 2014

Kawabata Yasunari

« Pays de Neige » est le premier roman de Kawabata Yasunari dont je prends connaissance – et ce ne sera certainement pas le dernier. Toute personne appréciant un tant soit peu la civilisation japonaise ne peut qu’aimer le ton, tout en ellipses et en en non-dits, de cet écrivain, l’un des plus importants du Japon contemporain, qui reçut le Nobel de littérature en 1968 et qui, dans son pays, fut parmi les membres du premier jury du Prix Akutagawa, équivalent nippon de notre Goncourt.

Kawabata naît à sept mois, le 14 juin 1899.
Son père, Kawabata Eikichi, est médecin et porte déjà en lui la tuberculose qui l’emportera deux ans plus tard. Sa femme, Gen, qui a contracté la même maladie, le suit dans la tombe en 1902 et Yasunari se retrouve donc orphelin de père et de mère alors qu’il a à peine trois ans. Quand il a dix ans, c’est sa sœur, Yoshiko, qui décède et il n’a pas encore tout à fait seize ans lorsque son grand-père, Sanpachirô, qui l’avait élevé et avec lequel il avait noué des rapports évidemment très étroits, s’en va à son tour. De l’agonie du vieillard, Yasunari tirera son « Journal de ma seizième année » qui, bien que rédigée pratiquement sur le vif, ne sera édité qu’en 1925.

Dès ses quatorze ans, l’adolescent avait pris la décision de devenir écrivain. De son père, fin lettré, il avait hérité un goût profond pour la littérature contemporaine et classique de son pays et le lycée avait ensuite stimulé son intérêt envers la littérature occidentale. Son œuvre, à jamais marquée par l’empreinte de la Mort et de la solitude (lui-même mit devait mettre fin ses jours, en 1972, en s’asphyxiant par le gaz), rappelle, par la pureté de son style comme par l’économie de ses moyens, les plus grands artistes de l’estampe japonaise. L’un de ses meilleurs récits ne s’intitule pas d’ailleurs « Tristesse et Beauté » ?
D’une sensibilité exacerbée que souligne encore une santé assez fragile, Kawabata flambe pour tout ce qui est beau avec un naturel d’autant plus grand que lui-même se juge laid. A dix-sept ans, au lycée, il s’était déjà épris - tout platoniquement - d’un séduisant camarade de classe qu’il reconnaîtra plus tard comme son « seul amour homosexuel. » En 1918, alors qu’il voyage dans la péninsule d’Izu, il tombe sous le charme d’une danseuse appartenant à une troupe de théâtre ambulante et cette expérience sera à l’origine de son premier roman : « La Danseuse d’Izu. »

Dès lors, s’affirme la tendance autobiographique de l’œuvre.
C’est ainsi que, en 1921, son mariage avorté avec une jeune serveuse rencontrée par hasard, Itô Hatsuyio, l’incitera à prêter à nombre de ses héroïnes futures les traits physiques ou moraux qu’il avait cru déceler dans cette toute jeune fille. Mais dix ans plus tard – il a alors épousé Matsubayashi Ideko – après une rencontre fortuite avec Hatsuyio, il prend conscience de l’erreur qu’il avait failli commettre et désormais, son œuvre se détourne de ce premier amour hétérosexuel pour se consacrer à ses fantasmes. Il publiera d’ailleurs la même année un recueil au titre extrêmement révélateur puisqu’il s’agit d’ « Illusions de Cristal. »

Tout au long de sa vie littéraire, Kawabata créera ou participera à des revues, depuis l’universitaire « Shinshichô » (= « Pensée Nouvelle) au début des années 20 jusqu’à « Ningen » (= « L’Homme ») en 1946, où paraîtront des textes du jeune Mishima, avec qui Kawabata liera une étroite amitié. C’est d’ailleurs Kawabata qui, en janvier 1971, présidera la cérémonie publique des obsèques de l’auteur de « La Mer de la Fertilité".

Kawabata prônait la nécessité d'un modernisme littéraire japonais qui s'appuie sur les traditions anciennes et toute son oeuvre en est la preuve. Injustement méconnu en France - où le militantisme dont il fit preuve pour que vît le jour une Société de Littérature japonaise malheureusement placée, à cette époque, sous l'emprise des militaristes a peut-être permis à certains de lui refuser la reconnaissance d'un talent pourtant exceptionnel - il n’en occupe pas moins une place essentielle dans la littérature japonaise du XXème siècle.

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