samedi 27 septembre 2014

D. H. Lawrence (VI)

On le sait moins, mais D. H. Lawrence est aussi l'auteur de près de huit-cents poèmes qui, dans leur grande majorité, sont des textes relativement courts. Les premiers, il les composa en 1904 et deux d'entre eux, "Dreams Old" et "Dreams Nascent", furent parmi ceux qui parurent en premier dans The English Review.

Ses travaux de jeunesse le placent, sans contestation possible, parmi les poètes géorgiens, groupe de poètes britanniques qui doivent leur nom non seulement au monarque alors régnant mais aussi à leurs homologues romantiques de l'époque précédente, avec lesquels ils tentèrent de rivaliser. Ce qui caractérise le mouvement des Géorgiens et, par conséquent, les poèmes de Lawrence, ce sont l'usage de tropes poétiques d'un usage banal et le recours délibéré à un langage archaique. Beaucoup de ces compositions affichent ce que John Ruskin décrivait comme de l'anthropomorphisme, en d'autres termes une tendance à attribuer des émotions humaines à des animaux, voire à des objets inanimés.

Alors que la Grande guerre bouleversait radicalement la conception du monde et de leur oeuvre des poètes qui avaient connu l'enfer des tranchées, les textes poétiques de Lawrence, eux aussi, connurent un changement dramatique, mais provoqué celui-là par les années d'humiliation et de demi-misère passées dans les Cornouailles. A cette époque, il écrivit des vers libres influencés par Walt Whitman. Dans son introduction à ses "New Poems", il écrit : "Il nous faut nous débarrasser des mouvements stéréotypés et des antiques associations éculées de sons ou de sens. (...) Nous devons tordre le cou trop raide de l'habitude ... (...)"
 Lawrence, nul ne l'ignore, écrivait et réécrivait ses romans afin de les perfectionner au maximum. De même, il reprit ses poèmes de jeunesse à l'époque où ceux-ci devaient être rassemblés en recueil, vers 1928. Pour en étoffer certains mais aussi pour en ôter les artifices de ses débuts. Il écrira : "Un jeune homme a peur de son démon et bâillonne parfois celui-ci afin de parler en son nom."

Ses poèmes les plus connus restent probablement ceux qui évoquent la Nature, tel que "Birds, Beasts & Flowers" et "Tortoises." "Snake", l'un de ceux qui sort le plus souvent dans les anthologies du genre, expose quelques unes de ses préoccupations les plus fréquentes : la distance mise entre l'homme moderne et la Nature et, par touches subtiles, le problème des religions.

"Look ! We have come through !" date de la fin de la Grande guerre et révèle un autre élément important commun à nombre de ses écrits. Bien que Lawrence puisse être tenu pour un auteur de poèmes d'amour, il ne fait pas l'impasse sur les aspects les moins romantiques de la passion, tels la frustration sexuelle ou l'acte lui-même. Ezra Pound, dans ses "Literary Essays", se plaint de l'intérêt de l'Anglais pour ses "ce qu'il ressent de déplaisant" mais le félicite pour la "simplicité de son récit." C'est une allusion aux poèmes que Lawrence composa dans la langue de sa région natale, reproduisant le langage et les préoccupations des gens du Nottinghamshire tels qu'il les avait connus dans sa jeunesse.

 Bien que, après les poèmes de sa période géorgienne, Lawrence ait composé des textes résolument modernistes, ceux-ci paraissent souvent différents de ceux de ses pairs, comme Pound. En effet, les poèmes modernistes sont souvent austères. Chaque mot y est soigneusement travaillé avant d'être accepté et mis en place. Chez Lawrence au contraire, tout poème est ressenti comme un sentiment personnel et cette spontanéité est vitale.

Ainsi, ce n'est pas sans raison qu'il tint à appeler l'un de ses recueils "Pansies / Pensées". Il le fit tout d'abord en raison de la nature simple et éphémère du vers mais aussi à cause du mot français "panser", généralement utilisé dans l'expression "panser une blessure." "The Noble Englishman" et "Don't Look At Me" avaient été enlevés de l'édition officielle en raison de leur "obscénité", ce dont Lawrence s'était senti profondément blessé.

Même s'il passa l'essentiel de ses dernières années à l'étranger, l'écrivain ne cessa de penser encore et toujours à son ile natale. Publiée en 1930, onze jours après son décès, sa dernière oeuvre poétique, "Nettles", est une série d'attaques amères, irritantes mais souvent ironiques contre le climat moral qui sévissait alors en Grande-Bretagne.

Signalons encore que deux carnets de poèmes inédits de Lawrence furent publiés, à titre posthume, sous les titres "Last Poems" et "More Pansies." Ils recèlent deux des plus célèbres textes que l'écrivain consacra à la Mort : "Bavarian Gentians" et "The Ship of Death."

Quant aux critiques littéraires de Lawrence, elles éclairent souvent notre lanterne sur son oeuvre personnelle. On citera en particulier "Study of Thomas Hardy & Other Essays" et "Studies in Classic American Literature" - dont nous parlions déjà plus haut.

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