samedi 27 septembre 2014

La Folie Almayer - Joseph Conrad

Almayer's Folly, A Story of an Eastern River
Traduction : Anne-Marie Soulac
Annotations : Raymond Las Vergnas
Préface inédite : Sylvère Monod


ISBN : 9782070410651

Notre Opinion
Personnages


L'incipit du roman :
Citation :
[...] ... - "Kaspar ! Makan !*"

Les accents stridents de la voix familière arrachèrent Almayer à son rêve d'un splendide avenir pour le replonger dans la réalité désagréable du présent. La voix était désagréable aussi. Depuis des années qu'il l'entendait, elle lui déplaisait chaque année davantage. Aucune importance ; la fin de tout cela était proche.

Mal à l'aise, il remua les pieds, mais ne réagit pas autrement à l'appel. Accoudé des deux bras à la balustrade de la véranda, il continua à regarder fixement la grande rivière qui coulait sous ses yeux, indifférente et pressée. Il aimait la regarder au coucher du soleil ; peut-être parce qu'alors, l'astre déclinant couvrait les flots de la Pantaï d'un reflet d'or luisant, et que l'or était souvent au centre des pensées d'Almayer ; l'or qu'il n'avait pas réussi à amasser ; l'or que les autres avaient amassé - malhonnêtement bien sûr - ou l'or qu'il saurait encore amasser pour Nina et pour lui-même par un labeur honnête. Perdu dans son rêve de fortune et de puissance, loin de cette côte où il habitait depuis tant d'années, il oubliait l'amertume du travail et de la lutte dans la vision d'une énorme et splendide récompense. Ils vivraient en Europe, sa fille et lui ; riches et respectés. Qui penserait au sang mêlé de la jeune fille devant sa grande beauté et l'immense fortune de son père ? Témoin des triomphes de Nina, il redeviendrait jeune ; il oublierait ces vingt-cinq années de lutte accablante sur cette côte où il se sentait prisonnier. Il touchait presque au but. Il suffisait que Dain revînt ! Et il ne pouvait manquer de revenir bientôt - dans son propre intérêt, pour avoir sa part. Plus d'une semaine de retard déjà ! Peut-être serait-il de retour cette nuit même.

* : terme malais signifiant "manger." ... [...]
 
Citation :
[...] ...- "Tu pleures ?" demanda [la mère] d'un ton sévère à sa fille assise, immobile, le visage dans ses mains. "Lève-toi et prends la pagaie car [Daïn] a assez attendu. Et rappelle-toi, Nina, pas de pitié, et, si tu dois frapper, frappe d'une main ferme."
Elle déploya toute sa force et, se penchant au-dessus de l'eau, elle lança la légère embarcation loin dans le courant. Une fois remise de son effort, elle s'efforça en vain d'apercevoir la pirogue qui semblait s'être évanouie brusquement dans la brume blanche étirée au-dessus des eaux surchauffées de la Pantaï. Après avoir un moment tendu une oreille attentive en restant agenouillée, Mme Almayer se releva, poussant un profond soupir, tandis que deux larmes coulaient lentement le long de ses joues flétries. Elle se hâta de les essuyer avec une mèche de ses cheveux gris, comme si elle avait honte d'elle-même, mais ne put retenir un autre profond soupir car son coeur était lourd et, inhabituée qu'elle était aux émotions tendres, elle souffrait beaucoup. Cette fois, il lui sembla avoir entendu un bruit léger, comme un écho de son propre soupir et elle s'immobilisa, tendant l'oreille pour saisir le moindre son et scrutant du regard avec appréhension les buissons proches d'elle.

- "Qui est là ?" demanda-t-elle d'une voix incertaine, tandis que son imagination peuplait de formes fantomatiques la solitude de la berge. "Qui est là ?" répéta-t-elle timidement.

Il n'y eut pas de réponse ;
seule la voix de la rivière s'élevant en un triste murmure monotone derrière le voile blanc parut se faire plus forte un moment pour s'éteindre à nouveau dans le doux chuchotement des tourbillons le long de la rive. ... [...]
 

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