lundi 29 septembre 2014

Mishima Yukio (II)

Ecrivain discipliné et touche-à-tout de génie, Mishima a écrit non seulement des romans, des novellisations de séries populaires, des nouvelles et des essais littéraires mais aussi des pièces très appréciées pour le théâtre Kabuki ainsi des versions modernes de drames Nô.

Dans l'immédiate après-guerre, il rédige la nouvelle "Misaki nite no Monogatari / Une Histoire sur un Promontoire", puis soumet au célèbre romancier Kawabata Yasunari le manuscrit de "Chûsei / The Middle Ages" ainsi que celui de "Tabako." En juin 1946, par l'entremise de Kawabata , "Tabako" paraît dans le magazine "Ningen."

La même année, Mishima s'attaque à son premier roman, "Tôzoku / Thieves", dont les deux héros sont fascinés par le suicide. Ce livre, publié en 1948, place d'emblée son auteur au premier rang des auteurs japonais de l'Après-Guerre. Il sera suivi de "Confessions d'un Masque", récit semi-autobiographique dont le narrateur doit dissimuler ses penchants homosexuels afin d'être accepté par la société. Le succès est énorme et propulse son auteur, alors âgé de vingt-quatre ans, au sommet de la célébrité - célébrité qui déborde bientôt les frontières, vers les USA et l'Europe.

Pour Mishima, c'est l'époque des grands voyages, notamment en Grèce, cette Grèce qui le fascine depuis l'enfance. Il en ramènera le thème majeur de "Shiosai / Sound of the Waves", publié en 1954 et fondé sur la légende de Daphnis & Chloé.

Pour nourrir son oeuvre, Mishima fait aussi appel à des évènements contemporains, tel l'incendie du fameux Pavillon d'Or de Kyôtô, qu'il reprend dans un roman éponyme, en 1956. "Utage no Ato / Après le Banquet", en 1960, suit étroitement les péripéties de la campagne électorale d'Arita Hachirô pour devenir gouverneur de Tôkyô.

Cité trois fois pour le Prix Nobel de Littérature, Mishima fut le favori de nombre de publications japonaises et étrangères. En 1968, quand le prix alla à Kawabata, Mishima comprit que très minces étaient les chances de voir, dans l'avenir, le Nobel offert à un autre écrivain japonais. Ce qui ne l'empêcha d'être heureux pour son mentor, à qui il demeurait reconnaissant de l'avoir introduit dans le monde littéraire.
Mishima se voulut aussi comédien. C'est ainsi qu'il tint le rôle principal dans "Afraid to Die", film tourné en 1960 par Musumura Yasuzo. Son goût allait vers les personnages troubles, voire carrément négatifs. On le constate aisément en visionnant "Yukoku", qui date de 1966, "Black Lizard", tourné deux ans après et "Hitokiri", son dernier film, en 1969.

Dès 1955, il s'était mis à fond à l'entraînement physique, s'astreignant à une discipline d'acier qui alliait régimes et body-building afin de faire atteindre à son corps une certaine perfection physique. Dans son essai, "Le Soleil & l'Acier", qui date de 1968, il exprime son désaccord devant la prédominance de l'esprit sur le corps prônée par les intellectuels. A cette époque, il était également devenu très habile au kendô.

En dépit de sa fréquentation des bars gays et bien que sa veuve ait tout fait pour enterrer cette aspect de sa vie privée, les préférences sexuelles de Mishima font toujours débat. Bien sûr, nombreux sont ceux qui ont prétendu avoir entretenu une relation homosexuelle avec l'écrivain. Parmi eux, le romancier Fukushima Jiro qui, dans l'un des ses ouvrages, révèle la correspondance qu'ils échangèrent. (D'ailleurs, à peine le livre était-il sorti, qu'il fut poursuivi pour atteinte à la vie privée.)

Mishima considéra un temps l'intérêt d'une union avec Shôda Michiko qui, plus tard, épousera l'Empereur Akihito. Mais en définitive, il choisit Sugiyama Yoko, avec laquelle il se maria le 11 juin 1958. Le couple eut deux enfants, Noriko et Ichiro.

En 1967, Mishima, qui ne cache pas ses idées nationalistes, rejoint les Forces d'Auto-défense du Japon et entame sa formation.
Un an plus tard, il forme à son tour un groupe militaire, le "Tatenokaï" qui peut se lire comme la "Société du Bouclier." Cette petite armée privée se compose en priorité de jeunes étudiants pour qui les bases de l'existence sont la discipline physique, les principes militaires et un dévouement sans faille à l'Empereur. Mishima se charge lui-même de leur entraînement. Il est clair cependant que, lorsque Mishima évoque l'Empereur, il ne parle pas automatiquement de l'Empereur régnant mais plutôt de l'essence même, de l'âme du Japon. Dans "Eirei no Koe / Les Voies de la Mort Héroïque", l'écrivain a déjà dénoncé Hirohito, coupable à ses yeux d'avoir renoncé à la tradition qui faisait de l'Empereur un dieu vivant, descendant d'Amaterasu, la déesse du soleil et protectrice du Japon.

Durant les dix dernières années de son existence, Mishima écrit plusieurs pièces, joue dans des films et co-réalise même l'adaptation de l'une des ses nouvells "Patriotisme." Il achève également son éblouissante tétralogie, "La Mer de la Fertilité". Titre du volume final : "L'Ange en décomposition" ...

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