samedi 27 septembre 2014

Emma - Jane Austen (Grande-Bretagne)

Emma
Traduction : Josette Salesse-Lavergne


Après avoir eu un peu de mal à entrer dans ce roman, le plus ambitieux de Jane Austen, je viens d'achever de le dévorer aujourd'hui et je ne suis pas loin de lui conférer la première place devant "Orgueil et Préjugés" ou encore "Persuasion."

Le style est toujours aussi austenien, aussi serré, curieux mélange entre ce que nous donneront le XIXème siècle commençant et le XXème encore dans les limbes. La construction est soigneusement agencée et, si l'on tient compte de l'époque à laquelle ce texte est né, il n'y a, en fait, aucune longueur superflue. Une fois de plus, nous sommes dans la campagne anglaise, un petit village sympathique dénommé Highbury avec ses hobereaux et sa petite bourgeoisie. Et une fois de plus, le thème choisi est l'amour, le mariage. Toutes proportions gardées et à la mode anglaise, on pourrait y voir une forme de marivaudage.

Emma Woodhouse, l'héroïne, est une jeune fille intelligente, sensible et dotée d'un sens aigu des convenances sociales. Elle souffre d'une manie assez rare à son âge : elle prétend marier les autres et non se marier avant les autres. Au tout début du roman, elle persuade sa toute nouvelle amie, Harriet Smith, de refuser la demande en mariage d'un prétendant qui, selon elle, lui est inférieur (il s'agit d'un gros fermier) et d'orienter ses batteries sur le jeune et fringant vicaire, Mr Elton.

Là-dessus, viennent se greffer des intrigues secondaires que j'aurai garde de révéler car cela gâcherait le plaisir du futur lecteur. Qu'il sache seulement que cette diversité dans les actes et les caractères permet à Jane Austen de faire le point sur tous les défauts qu'elle reprochait déjà à la société dans ses romans précédents : compartimentation sociale trop étanche, abaissement de la femme si celle-ci n'a ni fortune, ni mari, inégalités confondantes entre le statut de l'homme et celui de la femme, etc ...

Mais jamais Austen n'a été aussi puissante, aussi cinglante, aussi féroce - aussi violente même. Son ton évoque ici celui, froid et tranquille, d'une personne extrêmement courtoise qui, sans perdre son sang-froid, inflige à ceux qu'elle déteste toute une pluie de critiques acérées, les enchaînant avec une parfaite maîtrise les unes à la suite des autres.

Oui, décidément, "Emma" est bien le meilleur roman de Jane Austen.

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