samedi 27 septembre 2014

Alexander Pope (III)

Publié entre 1732 et 1734, l'"Essay on Man" est un poème philosophique qui adopte le genre du couplet héroïque. Pope se proposait de faire de ce poème la pièce maîtresse d'un système éthique qui mettrait en avant la forme poétique. Mais le projet demeura inachevé. C'est aussi une tentative de justification des chemins empruntés par Dieu pour atteindre l'homme, une variation sur le "Paradis Perdu" de Milton qui y affirmait déjà poursuivre le même but.

L'ensemble prend la forme de quatre lettres adressées à lord Bolingbroke. Pope y présente sa vision personnelle de l'Univers. Il y dit notamment que, si imparfait, compliqué, hermétique et dérangeant qu'il puisse nous apparaître, l'Univers fonctionne de manière rationnelle, si l'on en croit les lois naturelles. Pour celles-ci, l'Univers est l'oeuvre parfaite du seul Dieu. S'il peut paraître aux humains mauvais et bancal par beaucoup de points, c'est parce que nos capacités intellectuelles et spirituelles ne sont malheureusement pas suffisamment développées. Les hommes doivent accepter leur position de maillons dans "la Grande Chaîne de l'Etre", une place à mi-chemin, pour le poète, entre les anges et les animaux. (...)

Sorties entre 1733 et 1738, "The Imitations of Horace" constituent une imitation du grand poète latin plus qu'une véritable traduction. Pope y recourt pour, entre autres, se moquer de George II, monarque qu'il estime responsable de la corruption ambiante et la bien piètre qualité du goût artistique en l'honneur à la Cour.

Un poème original du bout en bout et intitulé "An Epistle to Doctor Arbuthnot" sert d'introduction aux "Imitations." Pope y fait le point sur sa carrière et y brosse le fameux portrait de lord Hervey - sous le nom de "Sporus" - et d'Addison - sous celui d'"Atticus." En 1738, il donne encore la "Universal Prayer."

Puis sa veine semble se tarir. Il joue plus ou moins avec l'idée d'un poème épique et patriotique en vers blancs qu'il intitulerait "Brutus" mais seul le tout début nous en est parvenu. Dans ces dernières années, il se consacre surtout à la révision et à l'extension de son chef-d'oeuvre, "The Dunciad." Le quatrième livre du poème sort en 1742 et, sous une forme retravaillée, bénéficie d'une nouvelle parution en 1743. Dans cette version, Pope remet son "héros", Lewis Theobald, à sa place de "roi des Imbéciles."

Mais la santé du poète décline. A son médecin qui, au matin de sa mort, lui déclarait qu'il allait beaucoup mieux, il répliqua avec humour : "Et me voici, qui meurs accablé par une multitude de bons symptômes."

Entouré de ses amis, Alexander Pope s'éteint doucement en ce 30 mai 1744, à onze heures du soir, en sa villa de Twickenham. La veille, il avait demandé un prêtre et reçu les derniers Sacrements, selon le rituel en vigueur dans l'Eglise catholique. 

 Le milieu du XVIIIème siècle devait voir éclore de nouvelles modes en poésie. Dix ans après la mort de Pope, Joseph Warton affirmait que son style poétique n'était pas ce que l'on pouvait trouver de mieux dans le genre. Le Romantisme, qui domina l'Angleterre au début du siècle suivant, se montra plus nuancé. Bien que Byron n'hésitât pas un instant à voir en Pope l'une des influences majeures qu'il avait subies - sa satire excessivement critique des Bardes anglais et écossais de la littérature britannique de son époque pouvait, selon lui, se lire dans la continuation de la tradition instituée par Pope - Wordsworth jugeait le style de ce dernier essentiellement trop décadent pour exprimer la condition humaine. De son côté, dans son étude parue en 1856, George Gilfillan définit Pope comme "une rose dans l'air de l'été, jolie certes mais plus jolie que vigoureuse."

Au XXème siècle, Pope rentra en grâce. On jugea que son oeuvre regorgeait de références aux gens et aux lieux de son époque et que cela contribuait à une meilleure compréhension des siècles passés. Après la Seconde guerre mondiale en particulier, on mit l'accent sur la puissance de ses vers, reconnaissant que son immersion dans la culture biblique et chrétienne conférait de la profondeur à ses textes. Maynard Mack, déjà cité, pensait grand bien de l'art de Pope, insistant sur le fait que sa vision spirituelle et morale exigeait autant de respect que l'excellence de sa technique. Entre 1953 et 1967, parut une édition définitive et complète des oeuvres du poète, chez Twickenham, en dix volumes.

Les critiques contemporains s'intéressent surtout à l'homme, aux conditions dans lesquelles il vécut, à ses motivations. (...) Certains, comme Laura Brown en 1985, adoptent une approche marxiste de l'oeuvre et accusent le malheureux Pope de faire l'apologie des classes supérieures. En 1986, Hammond étudie ses poèmes du point de vue du matérialisme culturel. (...)

Signalons, pour les amateurs, que "La Boucle de Cheveux Enlevée" est disponible en français.

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