lundi 29 septembre 2014

Natsume Sôseki (II)

En 1900, le gouvernement japonais expédie Natsume en Grande-Bretagne afin de s'y perfectionner. Il visite Cambridge et y passe même une nuit. Mais il renonce à l 'idée d'étudier à Cambridge car il ne peut se permettre de demander une bourse. Cette période de son existence est donc assez difficile. Il vit à Londres, enterré dans ses livres et certains de ses amis redoutent de le voir sombrer dans la dépression. On notera qu'il visite également Pitlochry, en Ecosse.

Sur les différentes locations qu'il occupe, seule la dernière d'entre elles, chez Priscilla et Elizabeth Leale, à Clapham, lui donnera entière satisfaction. Cinq ans plus tard, dans sa préface à "Bungakuron / Critique de la Littérature", il écrira : "Les deux années que je passais à Londres furent les plus déplaisantes de mon existence. Parmi les gentlemen anglais, je vivais comme un miséreux, tel un pauvre chien égaré dans une bande de loups."

Mais chez les soeurs Leale, il reprend courage. Toutes deux férues de littérature - elles ont un faible pour Shakespeare et Milton - elles parlent en outre un français très fluide, provoquant ainsi l'admiration de leur locataire à qui elles apprennent que Priscilla est née en France et que leur famille est originaire des îles anglo-normandes. Les deux soeurs veillent soigneusement sur les tendances dépressives de Natsume et le pousse énergiquement à prendre l'air et à faire du vélo.

De retour au Japon en 1903, Natsume remplace Koizumi Yakumo (pseudonyme japonais de l'écrivain Lafcadio Hearn) à la First Higher School et devient ensuite professeur de Littérature anglaise à l'Université Impériale de Tôkyô.

 C'est à partir de 1903 justement que la carrière littéraire de Natsume Sôseki prend son essor véritable : il écrit des haiku mais aussi des renku, des haitashi, des saynettes pour des magazines tel que "Hotogisu", commandité par son mentor Masaoka Shiki. Mais c'est le succès de son roman, "Wagahai wa neko de aru / Je Suis Un Chat", sorti en 1905 et relatant les bouleversements de l'Ere Meiji vus par les yeux d'un chat, familier d'un professeur d'anglais nippon désabusé, qui le fait connaître du grand public.
Suivent des nouvelles comme "Rondon Tô / La Tour de Londres" et le roman "Botchan / Le Jeune Homme", fortement autobiographique, qui raconte les débuts d'un jeune professeur dans un collège provincial. "Kusamakura / Oreiller d'Herbes", un recueil de nouvelles paru en 1906, renforcera grandement la réputation de l'écrivain. Ces divers succès lui permettent d'ailleurs d'abandonner l'enseignement pour prendre un poste à l'"Asahi Shimbun" dès 1907, et se consacrer à plein temps à la littérature.

Beaucoup de textes de Natsume Sôseki évoquent la relation entre la culture japonaise et l'Occident. Ses premiers récits sont tout spécialement inspirés par ses études londoniennes. Ainsi, son roman "Kairo-kô" constitue la première - et à ce jour la seule - reprise majeure des mythes arthuriens en japonais.

Autres thèmes de l'écrivain : la lutte quotidienne du citoyen lambda contre les impératifs économiques, le conflit éternel entre le devoir et le désir, la loyauté et la mentalité de groupe face à la liberté et à l'individu, la solitude personnelle et les bizarreries qu'elle engendre, la rapide modernisation du Japon et ses conséquences sociales, le mépris envers ceux qui singent la culture occidentale et, de façon générale, une vision pessimiste de la nature humaine.


Cet incontournable de la littérature japonaise de l'Ere Meiji nous a quittés le 9 décembre 1916, à Tôkyô, des suites d'un ulcère à l'estomac. Pendant vingt ans, de 1984 à 2004, le Japon moderne a honoré sa mémoire en le représentant sur les billets de mille yens. Ses livres sont périodiquement réédités et, en France, il est plutôt facile d'en trouver la traduction.

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