lundi 22 septembre 2014

L'Omelette Byzantine - Saki (Grande-Bretagne)

Saki est, pourrait-on dire, le roi du pince-sans-rire. Contrairement à son confrère P. G. Wodehouse, il ne sombre jamais dans le loufoque et si sa science du dialogue est moins bien réglée, il est en revanche souvent bien plus cruel.
Parmi les nouvelles réunies chez 10/18 dans le recueil "L'Omelette Bizantine", lequel constitue un bon départ pour quiconque n'a pas encore lu Saki, "Offres de Paix" est - à mon avis - celle qui, par son début, illustre de façon la plus exacte ce que l'on peut appeler "le style Saki." Dans le louable désir d'apaiser les dissensions politiques qui assombrissent le climat du village où elle a loué (pour sept ans) un authentique manoir anglais, une baronne tout aussi anglaise mais épouvantablement inculte décide d'offrir à l'élite mondaine du coin de nouvelles sources de distraction. Pour ce faire, elle demande son avis à Clovis, personnage récurrent de nombre des nouvelles de Saki :
Citation :
-" (...)J'ai donc pensé qu'une pièce constituerait une excellente occasion de réunir de nouveau les gens et de leur donner de nouveaux sujets de méditation que d'ennuyeuses querelles politiques."

La baronne avait manifestement l'ambition de reproduire sous son propre toit les efforts pacificateurs que la tradition attribue au branle écossais.

- "Nous pourrions faire quelque chose inspiré de la tragédie grecque", dit Clovis après mûre réflexion ; le Retour d'Agamemnon, par exemple."

La baronne fronça le sourcil.

-"Il me semble que cela rappelle un peu trop des résultats électoraux, vous ne trouvez pas ?

- Ce n'était pas le même genre de retour," expliqua Clovis ; "il s'agissait d'un retour au foyer.

- Je croyais que vous disiez qu'il s'agissait d'une tragédie.

- Ma foi, oui. Il a été tué dans la salle-de-bains, figurez-vous.

- Oh ! je connais l'histoire, bien sûr. Vous voulez que je joue le rôle de Charlotte Corday ?

- Il s'agit d'une autre histoire et d'un autre siècle," répondit Clovis. "La règle des trois unités interdit qu'une scène se déroule dans plus d'un siècle à la fois. Le meurtre en l'occurrence doit être commis par Clytemnestre.

- Un joli nom. Je jouerai ce rôle. Je pense que vous voulez jouer Aga ... Comment s'appelle-t-il déjà ? ... (...)"

Des querelles étant survenues entre la baronne et Clovis (qui joue le conducteur de char dans cette pièce pour le moins insolite), tout se terminera par un scandale mémorable. Wink Le lecteur, évidemment, le devine et n'attend qu'une chose : de pouvoir s'en régaler.

Une seule nouvelle fantastique dans ce recueil - Saki en écrivit pas mal : "La Musique sur la Colline" qui tourne autour du culte rendu au dieu Pan et à ce qui guette les monothéistes qui ont renié les dieux de leurs ancêtres.

Mais la plus connue des nouvelles de ce genre, la plus souvent reprise également dans les anthologies spécialisées, c'est évidemment "Sredni Vashtar", qui nous conte comment Conradin, un garçonnet de 10 ans, plus ou moins martyrisé par sa tante, Mme de Ropp, finira par prendre sa revanche sur celle-ci en invoquant "Sredni Vashtar le Magnifique." Pourtant, même dans ce contexte, le sourire n'est jamais absent et le lecteur, tel Conradin beurrant ses tartines à la fin du récit, referme son livre la conscience en paix parce que, finalement, Mme de Ropp le méritait bien ...

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