vendredi 19 septembre 2014

L'Indésirable - Sarah Waters (Pays-de-Galles)

The Little Stranger
Traduction : Alain Defossé


ISBN : 9782264052377

Extraits
Personnages





A notre connaissance, il s'agit du seul roman à thème fantastique pour l'instant écrit par Sarah Waters, auteur encensée outre-Manche pour un tout autre type d'ouvrages. Et force est de reconnaître que pour un coup d'essai, c'est un coup de maître.

Le thème de la maison "malade", de la maison "hantée", est l'un des grands favoris du genre Epouvante. Selon notre humble avis, peu d'auteurs ont su en tirer d'authentiques chefs-d'oeuvre. Citons cependant "Hill House" de Shirley Jackson - inoubliable - Stephen King et son "Shining", Graham Masterton avec son "Walhalla", le Belge francophone Jean Ray dans la variation très originale de "Malpertuis" et enfin Ann Rivers Siddons avec "La Maison d'A-Côté." Nous ne parlons ici que des romans car, en matière de nouvelles, le lecteur érudit pourrait certainement agrandir le cercle.

A ce cercle très fermé, vient se joindre aujourd'hui Sarah Waters avec "L'Indésirable", un "pavé" de plus de six-cents pages paru chez 10/18 et qui, en dépit de son ampleur, n'est pas loin d'évoquer pour la fanatique du genre que je suis les grandeurs subtiles et cruelles de "La Maison du Diable / Hill House" de Shirley Jackson.

Attention, pourtant ! Serpent diabolique aux mille anneaux, le texte de Jackson est ramassé sur lui-même et ne doit pas dépasser les deux-cent-cinquante pages - en tous cas chez Le Masque-Fantastique. Le thème de la maison hantée y est annoncé haut et clair puisque, dès le début, le lecteur s'attend à une expérience parapsychique organisée dans une maison mal famée enfouie dans la campagne américaine par un scientifique ayant réduit au minimum (4 personnes, lui compris) le nombre des participants. Et d'emblée aussi, Jackson, bien que jouant avec son lecteur, fait bien comprendre que Hill House est hantée. Par qui ? Par quoi ? On ne le saura jamais mais c'est un fait.

Chez Waters au contraire, "L'Indésirable" se déploie avec faste, à travers des pages qui, pour le lecteur impatient, ne sembleront au hasard que des descriptions plus ou moins réjouissantes de la campagne et de la gentry anglaises de l'immédiat Après-guerre. Il y a gros à parier que beaucoup abandonneront, y compris parmi les habitués de l'auteur car ce roman est vraiment différent des précédents et ils pourraient en concevoir quelque déception.

Mais, comme chez Jackson et pratiquement jusqu'aux dernières pages, il existe ici deux niveaux de lecture :

- ou bien l'on admet que la maison est hantée, qu'il y a en elle quelque chose - ou quelqu'un - qui, peu à peu, la détraque, elle et ses habitants ;

- ou bien, en digne compatriote de Descartes, l'on se dit que tous ces événements étranges et étouffants, tous inexpliqués en apparence, sont le fruit de la folie tapie dans l'un des habitants - bien vivant celui-là - du manoir.

Certains d'autre part verront dans la fin du livre l'une de ces fins dites "ouvertes". D'autres - dont je suis - concluront à la victoire totale du surnaturel, quel que soit le medium dont il a pu se servir pour arriver à ses fins.

En tous cas, si la progression est lente et comme tissée au petit point, l'ensemble devient vite anxiogène et l'on a du mal à s'arracher à ce livre pour se consacrer à ses obligations quotidiennes. Signe suprême de la puissance de l'histoire : jamais, en dépit de ce que certains tiendront pour des longueurs, on ne se trouve tenté de regarder la fin avant l'heure.

Bref, un excellent roman d'épouvante, tout en subtilité et en finesse, sans aucune concession au gore. A ne pas rater pour tous les amateurs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire