mercredi 24 septembre 2014

Les Hauts de Hurle-Vent - Emily Brontë (Grande-Bretagne)

Wuthering Heights
Traduction : Frédéric Delebecque


Personnages


Surpris par la neige à la tombée de la nuit, Mr Lockwood, le narrateur, se voit contraint de demander un asile provisoire à l'ancienne maison des Earnshaw, surnommée par les paysans "Les Hauts de Hurle-Vent" et sur laquelle règne désormais le sombre Heathcliffe, enfant trouvé que, jadis, Mr Earnshaw recueillit sur la route.

A contre-coeur, Heathcliffe consent à laisser son visiteur indésirable passer la nuit chez lui, dans l'une des chambres qui ne servent plus. Lockwood découvre dans un meuble les pages d'une sorte de vieux journal intime, qu'il déchiffre avant de s'endormir. Après s'être assoupi une première fois et avoir traversé un rêve plus stupide que vraiment désagréable, il est réveillé par le bruit d'une branche heurtant la fenêtre, puis se rendort. Et c'est l'occasion pour Emily Brontë de nous livrer l'une des plus belles scènes fantastiques de la littérature anglaise - et même universelle :
Citation :
[...] ... Cette fois, je me souvenais que j'étais couché dans le cabinet de chêne et j'entendais distinctement les rafales de vent et la neige qui fouettait. J'entendais aussi le bruit agaçant et persistant de branche de sapin, et je l'attribuais à sa véritable cause. Mais ce bruit m'exaspérait tellement que je résolus de le faire cesser, s'il y avait moyen ; et je m'imaginai que je me levais et que j'essayais d'ouvrir la croisée. La poignée était soudée dans la gâche : particularité que j'avais observé étant éveillé, mais que j'avais oubliée. "Il faut pourtant que je l'arrête !" murmurai-je. J'enfonçai le poing à travers la vitre et allongeai le bras en dehors pour saisir la branche importune ; mais, au lieu de la trouver, mes doigts se refermèrent sur les doigts d'une petite main froide comme la glace ! L'intense horreur du cauchemar m'envahit : j'essayai de retirer mon bras, mais la main s'y accrochait et une voix d'une mélancolie infinie sanglotait : "Laissez-moi entrer ! laissez-moi entrer ! - Qui êtes-vous ?" demandai-je, tout en continuant de lutter pour me dégager. - "Catherine Linton," répondit la voix en tremblant (Pourquoi pensai-je à Linton ? J'avais lu [dans le journal] Earnshaw vingt fois pour Linton une fois.) Me voilà revenue à la maison : je m'étais perdue dans la lande !" ... [...]

A lire ce récit où le petit fantôme perdu sur la lande semble se confondre, aux yeux des amateurs, avec le vampire qui cherche à attendrir sa victime afin qu'elle lui permette de la rejoindre, on comprend que le roman d'Emily Brontë ait fasciné Luis Buñuel. 

A la fin du roman, Heathcliff, qui se rapproche de la Mort, est littéralement hanté par le souvenir de Catherine Earnshaw, avec laquelle il souhaite désespérément être réuni dans l'Eternité. Mais le personnage, étant à la fois gothique et "maudit", prend pour ce faire de bien macabres précautions qu'il détaille non sans délices à Nelly, l'ancienne gouvernante de Catherine, qui l'a lui-même connu enfant :
Citation :
[...] ... - "Je vais vous dire ce que j'ai fait hier. J'ai fait enlever, par le fossoyeur qui creusait la tombe de Linton, la terre sur son cercueil à elle, et je l'ai ouvert. J'ai cru un instant que j'allais rester là : quand j'ai revu sa figure - c'est encore sa figure ! - le fossoyeur a eu du mal à me faire bouger ; mais il m'a dit que l'air l'altèrerait. Alors, j'ai rendu libre l'un des côtés du cercueil, que j'ai ensuite recouvert ; pas le côté près de Linton [le mari de Catherine, dont Heathcliffe est resté atrocement jaloux], que le diable l'emporte ! Son cercueil, à lui, je voudrais qu'il eût été soudé au plomb. Puis j'ai soudoyé le fossoyeur pour qu'il enlevât ce côté quand je serai couché là, et qu'il fasse subir la même opération à mon cercueil, que je ferai disposer en conséquence. Et alors, quand Linton viendra nous voir, il ne pourra plus s'y reconnaître !

- Vous avez agi d'une façon indigne, Mr Heathcliff !" m'écriai-je. "N'avez-vous pas eu honte de troubler les morts ?

- Je n'ai troublé personne, Nelly, et je me suis procuré à moi-même quelque soulagement. Je vais maintenant me sentir bien mieux ; et vous aurez plus de chances de me maintenir sous terre, quand j'y serai. L'avoir troublée ? Non, c'est elle qui m'a troublé, nuit et jour, pendant dix-huit ans ... sans cesse, sans remords ... jusqu'à la nuit dernière ; et la nuit dernière, j'ai été tranquille. J'ai rêvé que je dormais de mon dernier sommeil à côté d'elle, mon coeur immobile contre le sien et ma joue glacée contre la sienne.

- Et si elle avait été réduite en poussière, ou pis encore, de quoi auriez-vous donc rêvé ?

- Que je me réduisais en poussière avec elle et que j'étais encore plus heureux ! ... [...]

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