Traduction : Renée Villoteau
Préface : Jean-Louis Curtis
ISBN : 9782715202146
Notre Opinion
Un seul extrait mais c'est l'une des meilleures pages :
Préface : Jean-Louis Curtis
ISBN : 9782715202146
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Un seul extrait mais c'est l'une des meilleures pages :
- Citation :
- [...] ... 2 septembre [1666] (Jour du Seigneur). - Nos servantes avaient veillé tard la nuit dernière pour les préparatifs de notre festin d'aujourd'hui. Vers trois heures du matin, Jane vint nous appeler pour nous dire qu'on voyait un grand incendie dans la Cité. Je me levai pour aller à la fenêtre. Je jugeai que c'était au plus loin à Mark Lane, trop loin tout de même pour être dangereux, à mon avis, aussi je me recouchai et me rendormis. Vers sept heures, en me levant pour m'habiller, je vis que l'incendie s'était calmé et semblait s'être éloigné. Aussi je commençai à mettre de l'ordre dans mon cabinet qu'on avait nettoyé à fond hier. Bientôt Jane vint me dire que plus de trois-cents maisons avaient brûlé cette nuit et que le feu continuait près du Pont de Londres. Je m'apprêtai et me rendit à la Tour. De là-haut, je vis les maisons de ce côté du pont toutes en flammes et un immense incendie s'étendant au-delà. Je redescendis, tout bouleversé, trouver le lieutenant de la Tour qui me raconta que cela avait commencé ce matin chez le boulanger du Roi, dans Pudding Lane, et que l'église Saint-Magnus était déjà détruite. Descendu au quai, je pris une barque et passai sous le pont. Là, j'assistai à des scènes lamentables. Les gens tentaient de sauver leurs biens, les lançaient sur les quais ou les entassaient dans des barques. De pauvres pigeons, ne se décidant pas à quitter leurs maisons, voletaient autour des fenêtres et des balcons jusqu'au moment où ils tombaient, les ailes roussies. Au bout d'une heure, je vis que le feu faisait rage dans toutes les directions et que personne, autant que je pouvais m'en rendre compte, n'essayait de l'éteindre. Les gens ne pensaient qu'à mettre leurs affaires à l'abri et laissaient ensuite brûler les maisons. Le vent, très violent, poussait l'incendie vers la Cité. Après une si longue sécheresse, tout était combustible, même les pierres des églises. Je me suis alors rendu à Whitehall au cabinet du Roi [= Charles II]. On s'empressa autour de moi et le récit que je fis consterna chacun. La nouvelle en fut portée au Roi. On me fit appeler. Je racontai au Roi et au duc d'York [= frère de Charles II et futur Jacques II] ce que j'avais vu, affirmant que si Sa Majesté n'ordonnait pas d'abattre les maisons, rien ne pourrait arrêter l'incendie. Ils parurent fort émus. Le Roi me chargea d'aller trouver de sa part le lord-maire pour lui transmettre l'ordre d'abattre les maisons au-devant de l'incendie dans toutes les directions. Le duc d'York ajouta qu'on fournirait au lord-maire tous les soldats dont il aurait besoin. Je rencontrai le capitaine Cocke qui me prêta son carrosse pour aller à Saint-Paul. Là je suivis Watling Street encombrée de gens qui tous arrivaient chargés d'objets : il y avait même des malades qu'on emportait dans leur lit. A la fin, je rencontrai le lord-maire, l'air exténué, un mouchoir autour du cou. Quand je lui transmis le message du Roi, il gémit comme une femme prête à tomber en pâmoison : "Mon Dieu, que puis-je faire ? Je suis épuisé. On ne m'obéit pas. J'ai bien fait abattre des maisons mais le feu nous gagne de vitesse." Il ajouta qu'il avait besoin de troupes de renfort et que, quant à lui, il lui fallait prendre du repos, car il était resté debout toute la nuit. Il partit de son côté et moi du mien. Les gens étaient comme fous. On n'essayait en aucune façon d'éteindre le feu. D'ailleurs les maisons sont très rapprochées dans ce quartier et pleines de matières combustibles, comme la poix et le goudron, sans compter les magasins d'huile, d'eau-de-vie, de vin, le long de la Tamise. Les églises étaient encombrées d'objets par des gens qui auraient dû, en ce moment, y écouter paisiblement le service. Il était bientôt midi et je revins chez moi pour y recevoir mes invités : Mr Moone et Mr Wood avec sa femme Barbara, fort élégante. Mr Moone était venu pour voir mon cabinet de travail qu'il désirait depuis longtemps admirer. Malheureusement, nous étions tous bouleversés par l'incendie, ne sachant qu'en penser. Pourtant le repas fut magnifique et la compagnie aussi joyeuse qu'on pouvait l'être en pareille circonstance. Aussitôt après le dîner je suis sorti avec Moone et nous avons traversé la Cité à pied. Les rues étaient toujours encombrées de gens, de chevaux, de voitures chargées. On déménageait maintenant les maisons de Canning Street où ce matin on était venu mettre des affaires à l'abri. Au quai de Saint-Paul je pris une barque pour aller voir le feu qui avait encore gagné du terrain et ne semblait pas près de s'éteindre. Rencontré le Roi avec le duc d'York, en bateau ; je les accompagnai un moment. Ils avaient donné l'ordre d'abattre les maisons au plus vite, mais on ne pouvait pas faire grand chose, tant le feu se propageait rapidement. On avait bon espoir de l'arrêter en amont et en aval du pont, mais le vent le chassait à travers la Cité. ... [...]
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