vendredi 19 septembre 2014

Joseph Sheridan Le Fanu (I)

28 août 1814, Dublin (République d'Irlande) : naissance de Joseph Thomas Sheridan Le Fanu, dit Joseph Sheridan Le Fanu, nouvelliste & romancier.

Il naquit dans une famille aux origines huguenotes et qui entretenait depuis déjà de longues années de solides relations avec la littérature. En effet, la grand-mère du jeune Joseph, Alicia Sheridan Le Fanu, et son grand-oncle, Richard Brinsley Sheridan, composaient des pièces de théâtre. Sa nièce, Rhoda Broughton, deviendra de son côté une romancière à succès. Un an après sa naissance, son père, clergyman de l'Eglise d'Irlande, fut nommé chapelain de la Royal Hibernian Military School et toute la famille se transporta à Phoenix Park, où se tenait la cure. Phoenix Park et le village voisin de Chapelizod apparaîtront d'ailleurs dans les romans de Sheridan Le Fanu - notamment "La Maison Près du Cimetière."

L'enfant a douze ans quand a lieu un nouveau déménagement, cette fois-ci pour Abington, dans le comté de Limerick, dans le sud du pays, où son père trouve sa seconde cure. Le jeune Joseph suit les cours d'un précepteur et puise abondamment dans la bibliothèque paternelle. On notera au passage que cette enfance ne dut pas être gaie tous les jours car Sheridan Le Fanu Sr était un tenant de la stricte obédience protestante et prônait presque le calvinisme.

Joseph a tout juste dix-huit ans quand les troubles de la Guerre de la Dîme se répercutent sur la région. Dans la paroisse d'Abington, il y a à peu près six mille catholiques pour quelques douzaines de membres de l'Eglise d'Irlande. Et pourtant, le gouvernement britannique entend contraindre tous les fermiers, y compris les catholiques, à payer la dîme pour l'entretien de l'Eglise protestante. L'année suivante et eu égard à la situation - quoique non violent, le mouvement dit "la Guerre de la Dîme" connut évidemment quelques épisodes qui, eux, furent d'une violence rare - en 1833, les Sheridan Le Fanu préfèrent regagner Dublin.

Les difficultés financières s'amoncellent bientôt à l'horizon. Thomas Sheridan Le Fanu fait alors des pieds et des mains pour obtenir une nouvelle paroisse, dans le sud du pays. Les siens retrouvent un train de vie à peu près décent. Toutefois, ce n'est qu'en 1838 que le gouvernement de Sa Majesté décide de verser chaque année une somme déterminée aux membres du clergé protestant. Ce qui contraint le père du futur écrivain à vivre jusque là sur les loyers des petites propriétés dont il a hérité. En 1833, il avait dû emprunter 100 livres à l'un de ses cousins, le capitaine Dobbins - lequel terminera d'ailleurs ses jours dans une prison où l'avaient emmené ses très nombreuses dettes - afin de se rendre au chevet de sa soeur, qui se mourait à Bath. A sa mort, Thomas Sheridan Le Fanu lui-même n'aura presque plus rien à laisser à ses fils qui devront vendre sa bibliothèque pour régler son passif.

Joseph n'en étudie pas moins le Droit au Trinity College de Dublin. Selon un système propre à l'université irlandaise, il n'est pas obligé de vivre à Dublin et peut étudier chez lui tout en se présentant aux examens dans les locaux universitaires. Il s'inscrit au barreau de Dublin en 1839 mais ne cherche guère à exercer et abandonne bientôt cette voie pour celle du journalisme. Déjà, en 1838, il avait publié quelques histoires dans le "Dublin University Magazine", parmi lesquelles sa première histoire de fantômes, "The Ghost and the Bone Setter / Le Fantôme et le Rebouteux."

Le 18 décembre 1844, Sheridan Le Fanu
épouse Susanna Bennett, fille de l'un des ténors du barreau dublinois. Le jeune couple emménage bientôt à Warrington Place, non loin du Grand Canal et, l'année suivante, naît leur premier enfant, une fille qu'ils baptisent Eleanor. Celle-ci aura une soeur, Emma, et deux frères, Thomas et George.

En 1847, l'année de la naissance de son fils Thomas, Sheridan Le Fanu milite activement pour le soutien aux Irlandais victimes de la Grande famine et se répand en protestations contre l'indifférence cynique observé en la matière par le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté.


Après la naissance de leur dernier enfant, George, en 1854, Mrs Sheridan Le Fanu a beaucoup de mal à se remettre. Peu à peu, se déclare chez elle une grosse dépression qui se traduit entre autres par une obsession de la religion et beaucoup d'angoisses devant la mort. En 1858, elle a ce que l'on nomme à l'époque une "crise d'hystérie" et meurt le lendemain dans des circonstances assez troubles. Elle est inhumée dans le caveau de famille de ses parents, auprès de son père et de ses frères. Le "Journal" intime de Le Fanu à cette époque révèle révèle un fort sentiment de culpabilité aussi bien que de vide. Il n'écrira plus de textes de fiction pendant quelques années, jusqu'à la mort de sa mère qui survient en 1861. Il prend aussi pour confidente sa cousine, lady Gifford, avec laquelle il entretiendra une correspondance foisonnante jusqu'à la mort de celle-ci, à la fin de la décade.

En 1861, Sheridan Le Fanu devient le propriétaire et le rédacteur en chef du "Dublin University Magazine" et commence à saisir l'avantage de la double publication, le feuilleton d'abord dans le journal, puis la parution revue et corrigée en livre. Il fait paraître "The House By The Churchyard / La Maison Près du Cimetière"et "Wylder's Hand / La Main de Wylder". Après quelques petites retouches, il les soumet à l'éditeur londonien Richard Bentley qui lui propose un contrat. Celui-ci stipule que les prochains romans de l'écrivain irlandais traiteront "de sujets anglais et contemporains", une étape que, selon l'éditeur, Le Fanu doit franchir s'il veut atteindre le lectorat britannique. Le but est atteint en 1864, avec la publication de "Uncle Silas / Oncle Silas", dont l'intrigue se situe dans le Derbyshire. Toutefois, dans ses dernières nouvelles, Sheridan Le Fanu reviendra à la tradition irlandaise.
Joseph Sheridan Le Fanu décède à Dublin, le 7 février 1873, à l'âge de cinquante-huit ans. Aujourd'hui, l'on peut voir, près de sa maison natale, dans le sud-ouest de la ville, une route et un parc qui portent son nom, celui d'un des grands maîtres du fantastique gothique.

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