samedi 27 septembre 2014

D. H. Lawrence (II)

C'est en mars 1912 que Lawrence rencontre Frieda Weekley, née von Richthofen, avec laquelle il ne sait pas encore qu'il partagera le restant de son existence. De six ans son aînée, épouse de l'ancien professeur de langues vivantes de son nouvel amant à l'University College de Nottingham, Ernest Weekley, la jeune femme est aussi la mère de trois jeunes enfants. Ce qui ne l'empêche pas de s'enfuir avec Lawrence chez ses parents, à Metz, ville de garnison alors placée sous la domination allemande et à la frontière française.

Leur séjour à Metz voit le premier accrochage entre Lawrence et l'armée. Il se voit en effet accusé d'espionnage pour le compte de la Grande-Bretagne et ne doit sa libération qu'à l'intervention du père de sa maîtresse. Après cet incident, l'écrivain part pour un petit hameau situé au sud de Munich, où Frieda le rejoint bientôt pour leur "lune de miel", plus tard immortalisée par la série de poèmes intitulés "Look ! We Have Come Throuhg" et parus en 1917.

Mais 1912 est aussi l'année de l'une des "pièces minières" de Lawrence, "The Daughter-in-Law / La Belle-Fille", écrite dans le dialecte de Nottingham. La pièce ne fut jamais représentée ou même publiée, en tous cas du vivant de son auteur.

D'Allemagne, les amants se dirigent vers le sud, traversant les Alpes pour gagner l'Italie, périple que Lawrence raconte dans le premier de ses livres de voyages, une collection d'essais réunis par le même thème et intitulé "Twilight in Italy / Crépuscule en Italie." Il l'évoque aussi dans un roman inachevé, "Mr Noon." Durant ce séjour italien, Lawrence achève la version définitive d'"Amants & Fils" qui, à sa publication en 1913, est reconnue comme une description des plus vivantes des réalités de la classe laborieuse provinciale. On notera que Lawrence, un peu las de ce travail, avait autorisé Edward Garnett à couper une centaine de pages du texte original.

Lawrence et Frieda regagnent la Grande-Bretagne en 1913 mais ils ne comptent pas y rester longtemps. A cette époque, l'écrivain rencontre et se lie d'amitié avec le critique littéraire John Middleton Murry et l'extraordinaire nouvelliste néo-zélandaise Katherine Mansfield. Il a aussi l'occasion de faire la connaissance du poète vagabond gallois W. H. Davies dont l'oeuvre, en majorité inspirée par la Nature, compte parmi celles qu'admire le plus sincèrement l'écrivain anglais. Davies, qui collectionne les autographes, se montre particulièrement acharné à obtenir celui de Lawrence. Or, l'éditeur de poésie Edward Marsh, qui a la réputation de garantir tout autographe signé chez lui (probablement en le faisant inscrire à la suite d'une strophe ou deux), convie Lawrence et Frieda à venir déjeuner avec Davies en son domicile londonien, le 28 juillet. Lawrence est immédiatement séduit par le Gallois et l'invitera par la suite à les rejoindre, lui et Frieda, en Allemagne. Malgré cet enthousiasme précoce pour l'oeuvre de Davies, l'opinion de Lawrence finira par évoluer, notamment après la lecture de "Foliage".

De retour en Italie, Lawrence et Frieda s'installent dans un cottage à Fiascherino, sur le golfe de La Spezia. C'est dans cette atmosphère dorée et sensuelle que l'écrivain entame le brouillon d'un manuscrit qui, à l'arrivée, en donnera deux : "The Rainbow / L'Arc-en-Ciel" et "Women in Love / Femmes Amoureuses."

Il avait déjà esquissé une toute première mouture du thème de "Femmes Amoureuses" dans les Cornouailles, en 1916/1917. A cette époque, il avait conçu un attachement fort et sans doute romantique envers un fermier cornouaillais du nom de William Henry Hocking. Bien qu'on n'ait jamais su de façon certaine si cette relation avait revêtu un quelconque aspect sexuel, Frieda, devenue l'épouse de Lawrence, déclara un jour que, pour sa part, elle le croyait sans peine. La fascination de Lawrence pour les thèmes homosexuels et lesbiens - qui saute aux yeux dans "Femmes Amoureuses" - peut évidemment se rattacher à sa propre orientation sexuelle. Dans une lettre datée de 1913, il écrit d'ailleurs : "J'aimerais bien savoir comment il se fait que presque tous les hommes qui côtoient la grandeur ont une tendance à l'homosexualité, qu'ils l'admettent ou non ..." Il aurait également dit : "Il me semble que l'expérience la plus proche de l'amour parfait que j'ai connue fut avec un jeune mineur, lorsque j'avais environ seize ans."

Finalement, Frieda obtient le divorce. Avec Lawrence, elle retourne en Grande-Bretagne, très peu de temps avant que n'éclate la Grande guerre. Ils se marient le 13 juillet 1914. A cette époque, Lawrence travaille avec des intellectuels et des écrivains londoniens tels que l'éditrice et philosophe féministe Dora Marsden et toute l'équipe de The Egoist : T. S. Eliot, Ezra Pound, etc ... The Egoist, important magazine littéraire moderniste, publie certains de ses textes. Il étudie et adapte aussi le "Manifeste Futuriste" de Marinetti. Et puis, il fait la connaissance du jeune artiste d'origine juive Mark Gertler dont il devient l'ami pour un temps. Du "Manège", l'une des peintures anti-militaristes de Gertler, l'écrivain dira : "[C'est] la meilleure des peintures modernes que j'ai vues : je pense qu'elle est grande et vraie." Dans "Femmes Amoureuses", Gertler inspirera le personnage du sculpteur Loerke.

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