lundi 15 septembre 2014

Colline - Jean Giono

Cela étonnera certains mais, pour l'amateur de fantastique, le rapport est patant entre la "Colline" de Giono et "Le Grand Dieu Pan" de Machen ou encore "Io" d'Oliver Onions. Car "Colline", roman par ailleurs très bref, conte avant tout l'histoire de la peur ancestrale que la Terre engendre chez l'Homme lorsqu'elle se met en colère. La Grande Déesse paraît alors éclater en une multitude d'entités hostiles et sournoises, toutes bien décidées à en découdre avec ces mortels qui osent les défier ou, sans aller jusque là, s'imaginer qu'ils les ont, tout bonnement, domestiquées.

L'intrigue se situe aux Bastides, un tout petit village proche de Manosque, dans une campagne provençale dévorée de soleil et d'aridité, où l'eau est elle-même si précieuse que, pour parler d'un dieu aussi impalpable que le vent, l'auteur a recours à une métaphore qui le compare à un fleuve.

Tout allait bien aux Bastides : le soleil y dardait, l'eau de la fontaine jadis découverte sur les indications du vieux Janet qui "avait le don pour ça", y chantait et le blé venait doucement. Et puis, après que Janet justement ait été retrouvé tout raide, pris d'une attaque dans les champs, les choses ont mal tourné.

Tout d'abord, c'est le silence qui s'abat sur ce paysage dévoré de soleil. Un silence qui donne l'impression que la terre épie ceux qui la cultivent - un silence qui attend. Mais quoi ?

Le brutal arrêt du chant de la fontaine peut-être qui, du jour au lendemain, va jeter le désarroi parmi les habitants du village. Certes, on finira par retrouver de l'eau mais bien plus haut, dans un vieux village abandonné et, du coup, les Bastidois se verront obligés de se relayer pour monter y chercher des jarres.

Alors survient le feu, l'un de ces incendies terribles du Midi qui fonce droit sur les Bastides ...

A partir de trois fois rien, en se fondant sur son seul instinct poétique, sur sa foi païenne en des forces qui nous dépassent, Giono donne à son lecteur deux niveaux de lecture possibles :

1) ou bien Jaume, qui finit par rendre Janet responsable de ce qui arrive, a raison et c'est bien la volonté du vieillard aigri qui, puisant ses forces dans sa grande connaissance de la Terre et de tout ce qui s'y rattache, en mal comme en bien, manque de mener les Bastides à leur perte ;

2) ou bien ce ne sont là que superstitions de paysan inculte, doublées de la rancune que le vieillard a éveillé dans l'âme de Jaume en lui rappelant le suicide de sa femme et en lui laissant entendre que sa fille, Ulalie, couchait avec l'idiot du village, Gagou.


Quoi qu'il en soit, l'angoisse monte lentement et, si l'on n'était pas en train de lire Giono, on pourrait se croire parfois au coeur d'un pur récit fantastique.  

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