jeudi 18 septembre 2014

Barbeu d'Aurevilly

2 novembre 1808, Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche) : naissance de Jules Barbey, dit Barbey d'Aurevilly, poète, nouvelliste, romancier, essayiste, critique et polémiste.

Par sa naissance, Barbey appartenait à l'une des familles les plus anciennes de la région, qui avait accédé à la noblesse sous le règne de Louis XV. Aussi toute son enfance sera-t-elle bercée par les opinions conservatrices et "ultra" de ceux qui attendaient avec ferveur le retour de la monarchie, le tout sur fond de vieilles légendes et coutumes normandes.

A huit ans, Jules entame ses études au collège de Valognes. Il habite alors chez son oncle, le Dr Pontas-Duméril, qui encourage vivement son émancipation morale et intellectuelle. C'est aussi durant cette période que Barbey découvre avec délices l'Histoire, les romans de Walter Scott et les poèmes de lord Byron.

A quinze ans, l'adolescent rédige sa première oeuvre connue. Il s'agit d'une élégie intitulée "Aux Héros des Thermopyles." Il persévère dans la voie poétique et, au collège Stanislas, à Paris, où il prépare son baccalauréat, se lie d'amitié avec Maurice de Guérin.

En 1829, ayant obtenu son diplôme, il revient à Saint-Sauveur où tout désormais l'oppose à sa famille sur le plan religieux et politique. Il accepte cependant de faire son Droit à Caen. C'est là qu'il rencontre son futur éditeur, Guillaume Trébutien, et tombe amoureux de l'épouse de son cousin Alfred, Louise du Méril.

En 1831, Barbey écrit sa première nouvelle, "Le Cachet d'Onyx" dont il réutilisera la fin dans "Un Dîner d'Athées", puis "Léa." Il fonde, avec Trébutien, une revue qui n'aura que quelques numéros.

En 1833, après avoir soutenu sa thèse, il s'installe à Paris et se tourne résolument vers la littérature. Il publie des articles dans une revue qu'il a à nouveau co-fondée avec Trébutien et Méril. Outre des critiques littéraires, il rédige encore des poèmes et même un roman, "Germaine ou la Pitié" qui, en 1883, deviendra "Ce qui ne meurt pas" - une histoire d'inceste. En 1836, il rompt avec sa famille et prend définitivement Paris pour port d'attache.

Dans les années qui suivent, il va développer son personnage de dandy, cultivant l'ironie, l'art de l'épigramme et aussi le mystère. Il fait la fête, a des liaisons et se voit surnommer "Sardanapale d'Aurevilly" par ses amis parmi lesquels on compte Victor Hugo, beaucoup de Romantiques et Eugénie de Guérin, la soeur très catholique de Maurice. Ce dernier décède en 1839 et Barbey s'en trouve très affligé.

Dans les nombreux journaux auxquels il collabore, il a l'occasion de publier "La Bague d'Annibal." "Du Dandysme et de George Brummell", lui, sera publié en librairie en 1845, et connaîtra un assez joli succès. La même année, Barbey, inspiré, dit-on, par ses propres relations sentimentales, s'attaque à "Une Vieille Maîtresse."

A partir de 1846, on le voit revenir peu à peu au catholicisme fervent de son enfance et cela va renouveler son inspiration. Il ne cesse de peaufiner "Une Vieille maîtresse", pose les bases d'un essai sur la philosophie politique de Joseph de Maistre, Bonald, Chateaubriand et Lamennais et déclare vouloir devenir le "Walter Scott normand." En 1850, sort le premier épisode des "Diaboliques" : "Les Dessous d'une partie de Whist."
"Une Vieille maîtresse", enfin achevée au goût de son auteur, paraît l'année suivante et étonne d'autant plus la critique par ses pages sensuelles et passionnées que, dans la foulée, Barbey vient de publier ses "Prophètes du Passé", vibrant plaidoyer pour le catholicisme.

Suivront "Le Chevalier des Touches" et "L'Ensorcelée", ce dernier texte narrant l'histoire d'un prêtre chouan défiguré par une tentative de suicide. En 1855, le romancier met en chantier "Un prêtre marié", intrigue iconoclaste qui met en scène un prêtre impie et sa fille mais qui ne paraît qu'en 1864, causant le scandale, ce dont son auteur semble se moquer comme de sa première cravate.

Par ses attaques contre, par exemple, "Les Misérables" ou encore les frères Goncourt, Leconte de Lisle et les Parnassiens, par ses charges contre les "Immortels" de l'Académie, par la réédition d'"Une Vieille Maîtresse", par ses prises de position contre Sainte-Beuve (qui pourtant l'admirait), par ses tirades contre certains journaux (celle contre "La Revue des Deux Mondes" lui vaudra un procès), Barbey aime et pratique le scandale et la polémique. Il en fait même un art et séduit, dès 1867, un Léon Bloy qui ne cessera de s'affirmer son disciple.

En 1874, sort "Les Diaboliques" dont les exemplaires sont immédiatement saisis tandis que leur auteur se voit poursuivi devant la justice pour "outrage à la morale publique et aux bonnes moeurs, et complicité." Provisoirement, Barbey accepte de retirer l'ouvrage de la vente - ce qui lui permet d'obtenir un non-lieu - mais le livre sera réédité en 1883, avec une préface, ajoutée par précaution. Un an plus tôt, "Une Histoire Sans Nom", où un moine capucin viole une jeune somnambule, avait remporté un franc succès.

Le 23 avril 1889, Barbey d'Aurevilly s'éteint à son domicile parisien. Il sera enterré au cimetière de Montparnasse mais, en 1926, ses restes ont repris le chemin de la Normandie où ils reposent désormais au château de Saint-Sauveur-le-Vicomte.

Ecrivain prolixe au style ciselé mais dépourvu des cabochons qu'affectionnait Huysmans, son contemporain, Barbey d'Aurevilly écrit des histoires noires et non dépourvues de sadisme, où la chair et la religion s'aiment et s'entredéchirent avec des rugissements parfois excessifs. Il est l'un des rares romanciers capables d'attirer le lecteur en même temps qu'il lui fait peur et même le répugne. Mais son talent est indéniable et ses créations sont toujours puissantes et complexes. Il a même, on peut l'écrire sans exagération, un génie quasi gothique de l'atmosphère.

L'un des plus grands auteurs de sa génération - et aussi, en dépit de ses outrances, l'un de ses critiques les plus fins. A lire.

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