dimanche 14 septembre 2014

André Gide (III)

1891 : Gide a vingt-trois ans et vient d'achever le "Traité du Narcisse." Il rencontre Oscar Wilde et le choc est grand car l'auteur irlandais, qui vient d'achever sa "Salomé" tout entière rédigée en français, ose une flamboyance devant laquelle recule l'ascète que se pense Gide.

Le voyage que le jeune homme entreprend seul en Allemagne, l'année suivante, sonne le début des tensions dans le couple qu'il forme avec sa mère mais aussi le début, pour lui, de l'affirmation de sa nature. Durant l'été, il écrit "Le Voyage d'Urien", cosigné par le peintre Maurice Denis, à qui l'écrivain a demandé trente lithographies originales. Mais le livre est ignoré par la critique et ne soulève pas plus d'enthousiasme chez les proches de l'auteur. L'année se termine par diverses démarches et quelques séjours en caserne qui aboutissent au renvoi dans ses foyers d'un Gide déclaré inapte au service.

En octobre de l'année suivante, Gide s'embarque, avec son ami le peintre Paul Laurens, pour un périple qui doit les mener de la Tunisie en Italie en passant par l'Algérie. Et là, c'est pour Gide la révélation - à laquelle il consacrera plus tard "Si le Grain ne Meurt." Les jeunes gens finissent par s'installer à Biskra, en Algérie, où, en dépit des crises psycho-somatiques de Gide, ils poursuivent leur "initiation." L'arrivée soudaine de Mme Gide, inquiète pour la santé de son fils, rompt un temps l'équilibre et puis nos voyageurs repartent - sans Mme Gide - en avril 1894. Mais lorsque Laurens reprend le chemin de la France, son compagnon pousse jusqu'en Suisse, afin d'y consulter une sommité médicale qui lui affirme que ses troubles sont seulement d'origine nerveuse. Après un bref séjour à La Roque-Baignard, l'écrivain reprend le chemin de la Suisse où il s'installe à La Brévine, toile de fond de sa future "Symphonie Pastorale." C'est là qu'il achève "Paludes" tout en réfléchissant déjà aux "Nourritures Terrestres."

En 1895, revoilà Gide en Algérie. Dans ce pays qu'il n'est pas loin de considérer comme un pays de cocagne pour certaines "inclinations", il croise à nouveau Wilde, flanqué du sculptural lord Alfred Douglas, sa grande passion qui deviendra sa Némésis. Comme l'homosexualité de Gide s'affirme de plus en plus, la correspondance qu'il entretient avec sa mère s'en ressent en conséquence. Pourtant, Mme Gide le soutient encore dans son désir d'épouser sa cousine, Madeleine, laquelle ne semble plus guère tentée par l'idée.

Mais à son retour, la jeune fille semble vouloir se rapprocher de son cousin et la mort brutale de Juliette Gide précipite les choses. Fiancés en juin, les jeunes gens se marient en octobre, soit au bout du délai minimum à respecter en temps de deuil. Ils partent pour un voyage de noces de sept mois durant lequel un Gide de mieux en mieux dans sa peau doit supporter une épouse hélas ! plus fragile - et qui s'inquiète sans doute de voir son mari ne rien entreprendre pour consommer leur union.

En revanche, Gide écrit. En Suisse, il planche sur "Les Nourritures Terrestres" et entreprend la rédaction de la postface à "Paludes." A son retour en France, on lui apprend qu'il a été élu maire de La Roque-Baignard, fonction qu'il assumera consciencieusement mais sans plus, tant est grand son refus de s'engager sur le plan politique.

Durant l'été 1896, l'écrivain rédige "El Hadj" pour la revue Le Centaure et achève enfin ses "Nourritures ..." Le livre sort en 1897 et reçoit un excellent accueil même si certains critiquent tans son fond - l'individualisme, la joie quasi indécente - que sa forme. 

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