samedi 13 septembre 2014

Victor Hugo (III)

Qu'on aime ou pas Hugo, et qu'il s'agisse de l'homme ou de l'écrivain, force est de constater que, en matière politique, il fit très souvent preuve d'un remarquable opportunisme. Royaliste dans sa jeunesse - sa mère l'était - il se fait remarquer par Louis XVIII en concoctant une ode à la mémoire du malheureux Louis XVII.

Sous Charles X et les Ultras, certes, il proteste un peu mais les excès du régime en matière de censure exaspéraient à peu près tous les créateurs ... En 1830, le revoilà qui, tout frétillant, se rallie au duc d'Orléans, pourtant fils d'un régicide et monarque aussi rusé et aussi bourgeois que le Père Goriot, la bonhomie en plus. En 1844, notre gloire nationale devient même le confident de Louis-Philippe Ier et, l'année suivante, par l'un de ces hasards heureux, il accède à la pairie. A son actif, on signalera que, en 1846, il prend fait et cause pour la Pologne, que se disputent déjà plusieurs pays voisins et, en 1847, plaide pour le retour des bannis de l'Empire.

Quand éclate l'éphémère Révolution de 1848, le poète est nommé maire du VIIIème arrondissement de Paris (arrondissement qui n'est pas précisément le plus modeste Wink) et devient ensuite député de la Seconde république. Il siège, remarquons-le, parmi les conservateurs (à droite, si vous préférez et pour simplifier). Mais il y a pire. Lors des émeutes de juin 48, Hugo, en sa qualité de commandant de troupes pour le VIIIème arrondissement, n'hésite pas à faire tirer sur les ouvriers. Nous l'avons déjà dit : le VIIIème arrondissement n'est pas précisément ce que l'on pourrait appeler l'arrondissement le plus populaire de la capitale. En ce temps-là comme aujourd'hui. Notons encore que cette participation aux massacres de juin 48 n'empêchera pas par la suite notre poète-politicien de blâmer sévèrement tous ceux (les autres ) qui l'auront ordonnée.

Après avoir fondé le journal "L'Evénement", où son fils, Charles, milite contre la peine de mort, Hugo se lance dans la bataille en faveur du prince-candidat, Louis-Napoléon Bonaparte. Il sera d'ailleurs élu à l'Assemblée législative en 1849. C'est là qu'il prononcera son "Discours sur la Misère." Et puis, le futur Napoléon III ayant eu l'idée de manifester son propre soutien au retour du Pape à Rome (suite aux grands bouleversements de l'année 1848 et des guerres d'indépendance menées dans la péninsule italienne, Pie IX avait fui vers Gaëte), Hugo rompt brutalement. Non seulement avec le Bonaparte mais aussi avec tous ses anciens amis politiques. Brusquement, il se met à leur reprocher leur politique conservatrice et réactionnaire.

Après le coup d'Etat du 2 décembre 1851, qui transforme le prince-président en l'empereur Napoléon III, Victor Hugo prend le large. Tout d'abord en Belgique, à Bruxelles, puis dans les îles anglo-normandes.
Dans le pamphlet qu'il publie la même année, "Napoléon le Petit", il explique cet exil par la condamnation morale dont il accable avec mépris les actes du nouveau régime. Paradoxe ultime : à Napoléon III, Hugo oppose bien naturellement son oncle, Napoléon Ier, lequel, à lire quelques uns des (merveilleux) poèmes composés en son honneur, n'a de toute évidence jamais fait massacrer qui que ce soit, et moins encore pour prendre le pouvoir ...

A l'avenir, Hugo ne se préoccupera plus que de sa légende. Il veut y entrer vivant et il y parviendra. Napoléon III sera, sans le savoir, celui qui lui permettra d'y prendre pied.

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