mercredi 24 septembre 2014

Thomas de Quincey (II)

Finalement, des amis finirent par retrouver la trace du jeune fugueur et le ramenèrent chez sa mère. Malgré certaines réserves, la famille accepta de le voir entrer au Worcester College d'Oxford. Là, selon les on-dit, il se métamorphosa en un être étrange qui ne se lia avec personne. Ce fut aussi à cette époque qu'il commença à prendre de l'opium. Il passa avec brio ses examens écrits mais échoua à l'oral et dut abandonner Oxford sans avoir obtenu son diplôme.

De Quincey se maria en 1816 et, comme il n'avait plus beaucoup de fortune, il se décida enfin à prendre l'écriture au sérieux. Sur ses huit enfants, seules lui survécurent trois de ses filles.

En juillet 1818, De Quincey commença à écrire pour "The Westmoreland Gazette". Il ne respectait jamais les délais - il en était foncièrement incapable - et, dès juin 1819, les propriétaires du journal songeaient à le remplacer. Il démissionna d'ailleurs en novembre.

En 1821, on le retrouve à Londres où il parvient à vendre quelques traductions d'auteurs germaniques. Mais un éditeur le convainc très vite d'écrire et de publier le récit de ses expériences avec l'opium. Le texte paraît d'abord dans "The London Magazine", éclipsant tous les autres auteurs qui s'y sont donnés rendez-vous. Presque aussitôt, "Les Confessions d'un Mangeur d'Opium Anglais" sont éditées en livre et le nom de Thomas de Quincey est sur toutes les lèvres.

Désormais "lancé" dans le monde littéraire, De Quincey est sollicité par d'autres revues. Il quittera bientôt Londres pour s'installer en Ecosse, à Edimbourg et dans sa région - il passera d'ailleurs le reste de sa vie là-bas. Le "Blackwood's Edimburgh Magazine" et son grand rival, le "Tait's Magazine" deviennent les deux principaux laboratoires-tests pour ses textes. "Suspiria de Profundis" paraîtra en 1845 dans le "Blackwood's", ainsi que "The English Mail-Coach", cinq ans plus tard. Le "Tait's" se chargera de son côté de "Joan of Arc", en 1847 et, de 1835 à 1849, d'une série d'essais consacrés à Wordsworth, Coleridge, Robert Southey et autres "Lake Poets" - l'un des pans les plus imposants de l'oeuvre de De Quincey.

Avec les dettes et l'instabilité financière, la dépendance à l'opium a considérablement assombri la vie de De Quincey. De nos jours, on pense que, de santé déjà fragile dans l'enfance, l'écrivain avait développé des problèmes digestifs et intestinaux qui lui occasionnaient de très vives douleurs. Il aurait aussi souffert de névralgies faciales, affection qu'on a vu conduire certains patients au suicide.

Cependant, aucun médecin ne semble avoir prescrit à l'écrivain de se soigner avec de l'opium. De Quincey a fait de l'auto-médication et semble avoir présenté très jeune un terrain favorable à la toxicomanie. Il a commencé à user de l'opium à peu près en 1804, tout d'abord pour calmer ses douleurs, puis, comme il l'a écrit, par pur plaisir. Jusqu'en 1812, on est certain qu'il n'en consommait qu'une fois par semaine. Mais, à partir de 1813, il est passé à un usage quotidien pour soulager sa maladie et sa peine devant la mort de la jeune soeur de Wordsworth, Catherine. La dose qu'il prit ainsi jusqu'en 1819 était très forte. A partir de 1820, il adoptera un comportement extrémiste envers la drogue, en prenant tantôt d'"énormes" quantités et en supprimant d'autres fois toute consommation pendant plusieurs mois. Il semble que, pendant ses périodes de "bas dosage" ou de sevrage, il se retrouvait incapable d'écrire.

Thomas de Quincey devait mourir à Edimbourg, le 8 décembre 1859.
Son oeuvre, où dominent "Les Confessions ..." et "De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts", sorti en 1827, a influencé des auteurs aussi différents qu'Edgar Poe, Fitz Hugh Ludlow (auteur américain qui publia, en 1857, "The Hasheesh Eater), Charles Baudelaire, Nicolas Gogol, Borges et quelques autres. La "Symphonie fantastique", de Berlioz, serait inspirée, en partie, par "Les Confessions d'un Mangeur d'Opium." Enfin, l'allusion à De Quincey est limpide chez Sir Arthur Conan Doyle, dans sa nouvelle "L'Homme à la lèvre tordue", où apparaît Sherlock Holmes, l'un des premiers héros à prendre officiellement de la cocaïne.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire