lundi 22 septembre 2014

Middlemarch - George Eliot (Grande-Bretagne)

Middlemarch
Traduction : Sylvère Monod


Sans Anthony Trollope qui, pour les besoins de certains de ses romans, inventa le comté du Bersetshire, George Eliot n'aurait peut-être jamais écrit "Middlemarch." Grande lectrice de Trollope, elle apprécia cette façon de composer avec la réalité et songea à l'utiliser pour son propre compte. Voici comment naquit la petite ville de Middlemarch que les rivalités amoureuses et les réformes du gouvernement britannique de l'époque - notamment sur les droits accordés aux catholiques dans le pays - vont mettre non pas en ébullition (nous sommes en Angleterre, by Jove !) mais en émoi.

L'oeuvre, un "pavé" de plus de mille pages, se veut ambitieuse - et elle l'est. Elle révèle la très grande culture de son auteur, son intérêt jamais rassasié envers ses contemporains et la société dans laquelle elle évolue avec eux ainsi que le souci constant de tout détailler : en long, en large, en hauteur, en diagonale, etc ... Soyons francs : à certains moments, cela finit par peser au lecteur qui sent bien que George Eliot met un point d'honneur à se montrer aussi sérieuse, aussi renseignée, aussi compétente que ses confrères masculins - dont Trollope. Voire plus. Et ceci aux dépens peut-être de son naturel.

Cela passerait pourtant si la romancière allégeait sa démonstration par l'humour ou l'outrance. Telle était la méthode de Thackeray et, de manière encore plus éclatante, celle de Dickens. Le premier suivait son chemin en y disséminant, pour le plus grand bénéfice de son lecteur, une multitude de petits cailloux féroces et cruels mais toujours pleins de gaieté. Quant au second, il ne savait concevoir le mélodrame sans l'intervention d'un ou deux personnages pleins de faconde, parfois grotesques, attirés par l'excessif et l'outrancier et postulant à l'archétype dès le premier paragraphe où ils apparaissaient.

Cela présentait l'avantage de permettre au lecteur de se projeter ou / et de se reconnaître, aussi bien dans l'ironie matoise de Thackeray que dans le comique assumé d'un Sam Weller ou d'un Mr Micawber.

Or, en omettant cette dimension, qu'il lui restait à personnaliser, dans "Middlemarch", en y privilégiant le sérieux que l'on prête d'habitude aux encyclopédies, George Eliot n'a pas raté le coche, non, mais elle est montée - et nous invite à monter - dans une voiture bancale et singulièrement lourde à manoeuvrer.

Le rythme de l'ensemble est lent, terriblement lent pour tout dire et les personnages, sur lesquels nous connaissons pourtant à peu près tout ce qui doit être connu, ne parviennent pas à nous accrocher. C'est qu'il n'y a ici aucune flamme et je suis même tentée d'écrire : aucune imperfection. Les "méchants" eux-mêmes sont des méchants appliqués, qui font leur travail de méchants avec un tel sérieux qu'ils en perdent tout relief.

Oui, "Middlemarch" tend à la perfection dans le sérieux : de la composition, des caractères et des ressorts de l'intrigue. Alors, évidemment, c'est impressionnant, on ne peut que s'incliner devant le travail accomplir par l'auteur. Mais c'est aussi un tantinet ennuyeux et laisse le lecteur, en dépit d'une traduction remarquable et très moderne de Sylvère Monod, sur sa faim, en train de ruminer son insatisfaction et la vague idée qu'il est peut-être passé à côté de quelque chose. Mais quoi, tout le problème est là.

Peut-être, un jour, le relirai-je tout de même : on ne sait jamais.

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