J'ai croisé les textes de Schwob essentiellement
sur le Net (sur Fabula, entre autres) et ce sont des extraits comme
celui qui suit et qui provient de "Un Squelette", paru dans "Coeur Double",
qui m'ont donné envie de me procurer au moins l'un de ses recueils -
que je n'ai pas encore reçu. Le narrateur couche dans une chambre hantée
où il aperçoit le squelette de Tom Bobbins :
- Citation :
- Après quelques minutes, Tom Bobbins commença une sorte de soliloque en regardant le feu. Il dit :
- « Je ne connais pas une race plus méprisée que nous autres pauvres squelettes. Les fabricants de cercueils nous logent abominablement mal. On nous habille juste avec ce que nous avons de plus léger, un habit de noces ou de soirée : j'ai été obligé d'aller emprunter ce complet à mon huissier. Et puis il y a un tas de poètes et autres farceurs qui parlent de notre pouvoir surnaturel et de notre manière fantastique de planer dans les airs et des sabbats auxquels nous nous livrons dans les nuits de tempête. J'avais envie une fois de prendre mon fémur et de faire craquer un peu la tête de l'un d'eux pour lui donner une idée de son sabbat. Sans compter qu'ils nous font traîner des chaînes qui cliquètent avec un bruit infernal. Je voudrais bien savoir comment le gardien du cimetière nous laisserait sortir avec cet attirail. Alors, on vient nous chercher dans les vieux taudis, dans les repaires à hiboux, dans les trous bouchés d'orties et de ravenelles, et on va chanter partout les histoires des fantômes qui effrayent le pauvre monde et poussent des cris de damnés. Je ne vois vraiment pas ce que nous avons de terrifiant. Nous sommes seulement très dégarnis et nous ne pouvons plus donner d'ordres à la Bourse. Si on nous habillait convenablement, nous pourrions encore représenter avec avantage dans le monde. J'ai vu des hommes encore plus déplumés que moi faire de jolies conquêtes. Tandis qu'avec nos logements et nos tailleurs nous ne réussissons certainement pas si bien».
Et Tom Bobbins regarda un de ses tibias d'un air découragé.
Alors je me pris à pleurer sur le sort de ces pauvres vieux squelettes. Et je me figurai toutes leurs souffrances quand ils moisissaient dans les boîtes clouées et que leurs jambes languissaient après une scottish ou un cotillon. Et je fis cadeau à Bobbins d'une paire de vieux gants fourrés et d'un gilet à fleurs qui m'était justement trop étroit.
Franchement, en quoi ce texte grinçant mais comique a-t-il quelque chose à voir avec le XIXème siècle ?

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