jeudi 18 septembre 2014

Le Cachet d'Onyx - Jules Barbey d'Aurevilly

Préface, Chronologie, Notes & Variantes, Bibliographie : Jacques Petit

ISBN : Non Indiqué

Notre Opinion
Personnages



L'incipit :
Citation :
[...] ... Othello vous paraît donc bien horrible, douce Maria ? Hier votre front si blanc, si limpide, se crispait rien qu'à le voir, ce diable noir, comme l'appelle Emilia. Votre haleine traînait sur vos lèvres entr'ouvertes ; vos larmes, vos sanglots, votre pose, tout en vous disait : "Pitié !" à Othello, comme si vous aviez été la Vénitienne, la Desdemona, couchée sur le lit, comme si Othello avait pu vous entendre alors, comme si une prière d'ange agenouillé devant un homme, essuyant ses pieds de sa chevelure divine, ou, plus éloquent encore, une femme qui supplie, eût pu aller jusqu'à ce coeur possédé, affolé, enragé de jalousie et d'amour. Oh ! ne le maudissez cependant pas, cet Othello inflexible. N'ayez pas peur de cette belle création d'un poète ; n'ayez pas peur de cette admirable nature d'homme, si riche en tendresses jusque dans ses fureurs, et à qui Desdemona pardonne en mourant comme par reconnaissance de l'amour qu'il lui avait donné. Savez-vous que personne n'aima plus que cet homme qui faisait oublier un père chéri, à cheveux blancs, sur le bord de la fosse, à une une fille respectueuse et tendre ; qui l'avait prise intrépidement dans ses bras, elle défaillante sous le poids d'une malédiction terrible, et qui la rendit si heureuse que jamais le souvenir de cette malédiction ne troubla une heure de la vie de cette femme timide ? Ne le maudissez pas, Maria, mais plaignez-le plutôt ! plaignez-le plus que Desdemona, qui vous fait pleurer à chaudes larmes. Son infortune est plus grande que celle de Desdemona qui crie : Ne me tuez pas ce soir ! Vous me tuerez demain ! qui s'est sentie écrasée sous la calomnie, sous les injures d'Othello. Desdemona est l'heureuse dans ceci : l'infortuné, c'est Othello ! ... [...]
 
Citation :
[...] ... Un jour, dans une de ces soirées que Paris compte parmi les plus brillantes, Dorsay avait souffert plus que jamais des plaisanteries de ses amis. Ces plaisanteries qu'ils infligeaient à sa vanité de fat étaient d'un goût si parfait et d'un ton si mesuré dans les termes qu'il était impossible à un homme de bonne compagnie de montrer de l'humeur ou du courroux, mais l'intention en était si blessante, si triomphante surtout, qu'il fallait d'un autre côté une grande puissance sur soi-même ou une grande peur de l'inconvenable pour se contenir en les entendant. Dorsay les écoutait, les lèvres tremblantes, le front pâle et les traits frappés d'un vague sourire qui s'efforçait d'être insouciant et gai. Elles murmuraient, bruissaient, ricanaient, éclataient à ses oreilles dans cent bouches différentes, avec une foule d'accents divers. Il lui semblait que vingt mains de démons jouassent de la harpe avec son âme pour en tirer les vibrations les plus aiguës, et taquinassent avec une étrange volupté d'ironie jusqu'à ses plus subtiles, ses plus déliées fibrilles nerveuses. La jeune fille qui levait sur lui son grand oeil noir, plein de la rosée et du soleil matinal de la vie, ne pensait guère que cet homme vanté et charmant était tout à l'heure déchiré de supplice, dans ces délicieux moments d'un bal, et que cette main blanche et parfumée qu'il plongeait dans ses cheveux bouclés se trempait en passant sur son front de la sueur que l'humiliation y faisait couler. Heureuse jeune fille dont le sang, sous les belles veines rougissantes, ressemble à l'essence de rose tiédie, à travers le cristal qui la renferme, par la moiteur d'une gorge de femme. Heureuse jeune fille, poète de la plus vague, de la plus éthérée poésie, qui crée, à propos d'une expression sur un visage d'homme, tout un drame où il n'y a pas une douleur. Et avec quoi ? Avec les soupçons d'un coeur pubère et d'une imagination énamourée. ... [...]
 

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