samedi 13 septembre 2014

Gaston Leroux (II)

Si l'on veut rester impartial, on dira de Leroux que l'essentiel de ses romans appartiennent au genre policier, fortement teinté de fantastique. Et c'est avec la même impartialité que l'on doit constater ceci : hélas ! pour lui – et pour nous – son syle a incroyablement mal vieilli. Du roman populaire et du journalisme, il a tous les défauts : outrance et grandiloquence d’abord, accents mélodramatiques terribles ensuite, par-ci, par-là un soupçon de délire digne d’un Hugo au plus mauvais de sa forme, dialogues qui s’étirent … Et pourtant, pourtant …

Pourtant Gaston Leroux, remontant son handicap, a créé des archétypes qui perdurent.

Rouletabille,
bien sûr, ce détective à la française et au langage plutôt populaire, qui pense avec une logique implacable, nous baratine de façon éhontée avec le « bon bout de sa raison », fait pleurer Margot en narrant sa triste enfance d’orphelin (mais qui diable est cette mystérieuse « Dame en Noir » qui venait le visiter au parloir, au collège d’Eu où, tout comme son créateur, il fit ses études ?) et ne s’impose en fait que par son intelligence, qui est réelle, et aussi par sa puissance de déduction.

Chéri-Bibi ensuite, forçat injustement condamné mais qui s’évade trois fois du Bagne, une montagne de muscles que poursuit cette « Fatalitas ! » que Leroux lui a donné comme cri de guerre et qui, je l’avoue, prononcée ainsi et dans de telles conditions, a quelque chose d’ineffablement ridicule même avec Hervé Sandre dans le rôle principal.

Erik enfin, le Fantôme de l’Opéra, avec son effarant passé de bourreau à Ispahan et en Orient, qui se passionne pour une petite choriste à la voix prodigieuse mais à l’intellect et au cœur si peu développés qu’elle préfère tomber dans les bras du bellâtre de service plutôt que dans ceux de son amoureux transi et défiguré. (Vous imaginez un seul instant Clarice Starling refusant de devenir la maîtresse d'Hannibal Lecter ? Eh ! bien, Christine Daë se refusant à Erik, c'est tout-à-fait ça ...)

Sans oublier les académiciens frileux et menacés du « Fauteuil hanté », le hobereau halluciné qui, effectivement « revient de loin », le libraire psychopathe de « La Poupée Sanglante » et quelques autres …

Mais justement, dépouillés de leurs oripeaux de mélodrames, dépoussiérés par de plus modernes scénaristes, pourvus de nouveaux dialogues, mis en scène par les cinéastes adéquats et interprétés par des comédiens comme Lon Chaney (sublime !!!!) ou encore, plus proche de nous, Robert Englund, tous ont encore devant eux de beaux jours – et des nuits noires encore plus belles. Rien que pour l’humanité et la grandeur que, malgré tout, il leur a conférées, Gaston Leroux a droit à toute notre reconnaissance de lecteurs – et de spectateurs.

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