samedi 27 septembre 2014

Frances Burney (IV)

Les temps sont durs et la nouvelle petite famille n'est sauvée de la misère que par la publication, en 1796, de "Camilla ou Portrait de Jeunesse", récit d'un amour malheureux. Avec les deux mille livres qu'elle en retire en tout, la nouvelle Mme d'Arblay peut faire construire une petite maison à Westhumble, qu'elle nomme le "Cottage Camilla."
En 1800, la mort de Susannah vient assombrir la vie relativement stable que mène la famille d'Arblay et interrompre provisoirement le fameux "Journal." Mais Alexandre finit par obtenir de sa femme qu'elle reprenne l'écriture. Elle termine une nouvelle comédie, "The Woman Hater" qui, pas plus que "Love & Fashion" ou "A Busy Day", ne sera jouée de son vivant.

"The Woman Hater" reprend, en les adoucissant, les éléments satiriques de "The Witlings". Elle sera montée en décembre 2007 par l'"Orange Tree Theatre" de Richmond, à Londres.

Après un long séjour en France où Alexandre d'Arblay s'est mis au service de Napoléon et durant lequel la santé de sa femme se gâte - elle subit une mastectomie le 30 septembre 1811 - les d'Arblay reviennent en Angleterre en 1812. Charles Burney meurt deux ans plus tard et son gendre catholique, qu'il n'avait jamais réellement accepté, en 1818.

Quelques jours avant le décès de son père, Frances Burney d'Arblay publie son quatrième roman, "The Wanderer or Female Difficulties," une histoire d'amour et de mésalliance se déroulant durant la Révolution française. Le traitement infligé par l'Angleterre aux étrangers durant les années de guerre et l'hypocrisie sociale qui continue à emprisonner les femmes dans son carcan y sont mis, entre autres, au pilori. Cette critique sociale intense se mêle à une construction où le picaresque rencontre le mystère. Bien qu'elle ne soit pas une renégate au sens habituel du terme, l'héroïne - qui nous paraît aujourd'hui un tantinet toujours trop innocente pour notre goût moderne - semble pourtant traîner un passé assez lourd et se refuse à révéler son véritable nom.

En dépit des invraisemblances de l'intrigue, Frances retire 1 500 livres de son texte mais c'est un échec, tant critique que public.
A la mort de son mari, Mrs d'Arblay emménage à Londres pour se rapprocher de son fils, élève à Christ's College. En hommage à son père, elle publie, en 1832, "Memoirs of Doctor Burney / Les Mémoires du Dr Burney". Ecrit dans un style hagiographique, ce document encense Charles Burney, l'homme aussi bien que ses actes. Frances va même jusqu'à y faire passer certains de ses propres écrits non publiés pour les siens. Elle gomme tout ce qui aurait pu obscurcir la mémoire de son père et l'histoire de leur famille. Mais ses contemporains ne seront pas tous les dupes de cette piété filiale et elle sera beaucoup critiquée.

Désormais, elle vivra dans la plus grande retraite. Elle perdra encore son fils (en 1837) et sa soeur Charlotte (un an après). Mais elle continuera à écrire et, en recevant les plus jeunes membres de la vaste famille Burney, à leur raconter de fascinantes histoires, ponctuées d'imitations saisissantes des personnes qu'elle y prend pour cibles.

Frances Burney meurt à Bath, le 6 janvier 1840. De nos jours, elle est tenue pour l'une des "mères" du roman anglais moderne. Malheureusement, il ne semble pas que les éditeurs français soient au courant de la chose ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire