On Murder Considered as One of the Fine Arts
Traduction & préface : Pierre Leyris
Notre Opinion
Tout d'abord, l'ironie :
Traduction & préface : Pierre Leyris
Notre Opinion
Tout d'abord, l'ironie :
- Citation :
- [...] ... Le premier assassinat vous est familier à tous. En
tant qu'inventeur de l'assassinat et que le père de l'art, Caïn dut
être un génie de premier ordre. Tous les Caïn furent des hommes de
génie. Tubal-Caïn a inventé les tubes, je crois, ou quelque
chose de ce genre. Mais, quels qu'aient pu être l'originalité et le
génie de l'artiste, tout art était alors dans l'enfance, c'est un fait dont il faut se souvenir lorsqu'on critique les oeuvres sorties de ces divers ateliers. Même l'oeuvre de Tubal ne serait probablement guère appréciée à Sheffield aujourd'hui ; et par conséquent, ce n'est pas dénigrer Caïn (Caïn senior, j'entends) que de dire de son ouvrage qu'il est comme ci, comme ça. On peut présumer toutefois que Milton [célèbre poète britannique, auteur du "Paradis Perdu"] en a présumé autrement. A en juger par la façon dont il rapporte le cas, il semble que ç'ait été pour lui un assassinat favori, car il le retouche avec un visible souci de l'effet pittoresque :De quoi Caïn eut rage au coeur et comme ils parlaient
Il le férit à la poitrine d'une pierre
Qui fit jaillir la vie ; il tomba et, mortellement pâle,
D'une plainte rendit son âme en un flot de sang répandue.
"Le Paradis Perdu - Livre XI"
A propos de quoi Richardson le peintre, qui avait l'oeil en matière d'effet, remarque ce qui suit dans ses "Notes sur Le Paradis Perdu", p; 497 : "On a cru", dit-il, "que Caïn coupa le sifflet à son frère (comme on dit communément) à l'aide d'une grosse pierre : c'est à quoi Milton se rallie, en y ajoutant toutefois une large blessure." C'était, à cet endroit, un judicieux rajout ; car la grossièreté de l'arme, si quelque chaude couleur sanglante ne vient la rehausser et l'enrichir, vous a le genre par trop dépouillé de l'école sauvage ; on dirait que l'acte a été perpétré par un Polyphème sans science, sans préméditation, sans rien qu'un os de gigot. Mais ce qui me plaît le plus dans ce perfectionnement, c'est qu'il implique que Milton a été un amateur d'assassinat. Quant à Shakespeare, il n'y en eut jamais de meilleur, témoin sa description de Duncan, de Banquo assassinés, etc ... ; témoin, par dessus tout, son incomparable miniature, dans "Henry VI", de l'assassinat de Gloucester. ... [...] -
De l'Assassinat des Philosophes et des Intellectuels : - Citation :
- [...]
... Malebranche, vous aurez plaisir à l'apprendre, a été assassiné. Son
assassin est bien connu : c'est l'évêque Berkeley. L'histoire
est familière bien que, jusqu'ici, on ne l'ait pas exposée sous son vrai
jour. Berkerley, du temps qu'il était jeune homme, s'en fut à Paris et
rendit visite au Père Malebranche. Il le trouva dans sa cellule, en
train de faire la cuisine. Les cuisiniers ont toujours été un genus irritabile
; les auteurs, plus encore : Malebranche était l'un et l'autre : une
dispute s'éleva ; le vieux Père, déjà échauffé, s'échauffa plus encore ;
l'irritation culinaire et l'irritation métaphysique s'unirent pour lui
détraquer le foie : il se mit au lit et mourut. ( 1 ) Telle est la
version commune de l'histoire. "Ainsi, toute l'oreille du
Danemark est abusée." Le fait est que l'affaire fut étouffée par
considération pour Berkeley qui, (comme Pope le remarque justement),
"avait toutes les vertus sous le ciel" ; mais on savait très
bien que Berkeley, piqué par les dards du vieux Français, lui avait tenu
tête ; il en était résulté une bagarre ; Malebranche mordit la
poussière au premier round ; il perdit toute son infatuation et il se
fût peut-être rendu mais à présent, le sang de Berkeley bouillonnait, et
il exigea que le vieux Français rétractât sa doctrine des Causes
occasionnelles. L'homme était trop vain pour cela et il tomba en
holocauste à l'impétuosité de la jeunesse irlandaise ainsi qu'à son
absurde obstination propre.
Leibniz étant, à tous égards, supérieur à Malebranche, on pourrait a fortiori s'attendre à ce qu'il ait été assassiné ; ce qui, cependant, n'est pas le cas. Je crois qu'il fut piqué de cette négligence et qu'il se sentit outragé par la sécurité dans laquelle il passa ses jours. Je ne puis expliquer autrement la conduite qu'il eut vers la fin de sa vie, car il devint alors très avare et se mit à thésauriser de grandes sommes d'or, qu'il gardait dans sa propre maison. C'était à Vienne, où il mourut ; et il existe encore des lettres qui décrivent l'anxiété sans mesure qu'il éprouvait à l'endroit de sa gorge. Toutefois son ambition d'être au moins l'objet d'un attentat était si grande qu'il n'en voulait pas prévenir le danger. Un défunt pédagogue anglais, manufacturé à Bimingham, le Dr Parr, prit un parti plus égoïste en semblable occurrence. Il avait amassé une quantité considérable de vaisselle d'or et d'argent, qu'il entreposa quelque temps dans sa chambre à coucher, au presbytère de Hatton. Mais, craignant de plus en plus chaque jour d'être assassiné, ce qu'il savait qu'il ne pouvait supporter (chose à laquelle d'ailleurs il ne prétendit jamais si peu que ce fût), il transféra le tout chez le forgeron de Hatton, dans l'idée, sans doute, que le meurtre d'un forgeron serait au salus reipublicae chose plus légère que celui d'un pédagogue. ...
( 1 ) : le 13 octobre 1715. Bien que Malebranche fût alors âgé de soixante-dix-sept ans, il semble bien que la vive dispute qu'il avait eue, quelques jours plus tôt, avec son jeune visiteur anglais, ait en effet porté le coup fatal à la maladie qui le minait.[...] -
Le quartier où John Williams perpétra les crimes qui le firent pendre et la description du meurtrier : - Citation :
- [...] ... En premier lieu toutefois, un mot sur la scène des assassinats. Ratcliffe Highway est une grande artère d'un quartier des plus chaotiques de l'Est nautique de Londres, et qui, en ce temps-là (c'est-à-dire en 1812) où il n'existait aucune police adéquate hormis la police détective de Bow Street, admirable pour ses fins particulières mais totalement disproportionnée aux besoins généraux de la capitale, était fort dangereux. Un homme sur trois, pour le moins, y pouvait être tenu pour un étranger. On rencontrait à chaque pas des Lascars, des Chinois, des Maures, des Nègres. Et indépendamment du banditisme aux mille formes, voilé de façon impénétrable par les chapeaux ou les turbans de ces hommes dont nul regard européen ne saurait sonder le passé, c'est chose bien connue que la marine de la chrétienté (spécialement, en temps de guerre, la marine marchande) est le sûr dépôt de tous les meurtriers et de tous les ruffians à qui leurs crimes ont donné le motif de se dérober pour un temps aux yeux du public. Il est vrai que peu de gens de cette catégorie sont qualifiés pour se comporter en marins capables, mais de tous temps, et particulièrement en temps de guerre, ces derniers ne forment qu'une petite proportion (ou nucleus) de l'équipage d'un navire, la grande majorité étant composée de terriens inexpérimentés. John Williams, toutefois, qui avait servi en qualité de matelot à bord de plusieurs vaisseaux affectés au commerce avec les Indes, etc ..., était probablement un marin accompli. D'une manière générale à vrai dire, c'était un homme prompt et adroit, fertile en ressources pour parer aux difficultés soudaines, et qui s'adaptait avec souplesse aux diverses exigences de la vie en société. Il était de taille moyenne (de cinq pieds sept pouces et demi à cinq pieds huit pouces), élancé, assez mince, mais nerveux, passablement musclé et libre de toute chair superflue. Une dame qui l'a vu à son interrogatoire (au bureau de police de la Tamise, je crois), m'a assuré qu'il avait des cheveux d'un ton très vif et fort remarquable, un jaune ardent entre l'orange et la couleur citron. Williams avait été en Inde, particulièrement au Bengale et à Madras, mais aussi au bord de l'Indus. Or il est notoire qu'au Pendjab, les cheveux [des personnes] de caste élevée sont souvent peints - en cramoisi, en bleu, en vert ou en pourpre ; et il me vint à l'idée que Williams avait pu s'inspirer, à quelque fin de déguisement, de cette pratique du Sind et de Lahore, en sorte que cette couleur de cheveux n'était peut-être pas naturelle. Naturelle cependant, son apparence l'était dans l'ensemble, médiocre même pour la structure du visage si j'en juge par une statuette de plâtre à son effigie que j'ai achetée à Londres ; il avait cependant un trait frappant, qui s'accordait bien à son tempérament inné de tigre, c'est que son visage exsangue était empreint en tous temps d'une mortelle pâleur. "On aurait dit," me rapporta mon informatrice, "que ce n'était pas le sang rouge de la vie qui coulait dans ses veines - ce sang que peut embraser la honte, la colère ou la pitié - mais une sève verte qui ne jaillissait pas d'un coeur humain." Ses yeux semblaient glacés et vitreux, comme si toute leur lumière eût convergé sur quelque victime tapie dans le lointain. De ce fait, son aspect aurait pu être repoussant mais d'autre part, les dépositions concordantes de nombreux témoins et aussi celle, tacite, des faits, montrent que son comportement huileux, reptilien et insinuant neutralisait le caractère repoussant de son visage sinistre et lui valait, auprès des jeunes femmes inexpérimentées, un accueil très favorable. ... [...]
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