mercredi 24 septembre 2014

Chez Mrs Lippincote - Elizabeth Taylor (Grande-Bretagne)

At Mrs Lippincote's
Traduction : Jacqueline Odin
Notre Opinion
Personnages

Citation :
[...] ... Oliver Davenant ne se contentait pas de lire les livres. Il les humait, en aspirait des bouffées, s'emplissait les yeux de leur caractère et la tête, de la musique de leurs mots. Une émanation du livre lui-même le pénétrait jusqu'à la moëlle des os, comme s'il absorbait un soleil intense. Les pages avaient une personnalité. Il était de ces gens qui ne supportent pas la présence d'un livre terrifiant la nuit dans leur chambre. Quand il faisait beau, il le plaçait sur le rebord extérieur et fermait la fenêtre. Julia trouvait souvent un livre posé sur son paillasson.

En outre, il tombait amoureux au fil de ses lectures. Il y avait d'abord eu l'image d'Alice se haussant sur la pointe des pieds pour serrer la mains de Humpty Dumpty ; ensuite la petite Fatima dessinée par Arthur Rackham, son doux visage mat, les pièces autour de son front, son pantalon bouffant et son manteau brodé. Son visage d'enfant brillait d'excitation alors qu'elle introduisait la clef dans la serrure. "Non !" lui avait-il crié un jour à haute voix, souffrant le martyre.

A Londres, il se rendait tous les samedis matins à la bibliothèque municipale afin de contempler une image de Lorna Doone. Certaines fois, elle n'y était pas, et il repartait en se demandant qui l'avait empruntée, quel genre de maison l'accueillait ce week-end-là. Le dernier samedi avant le déménagement, il était allé lui dire au revoir, mais le livre n'était pas en rayon : il s'était donc assis à une table pour attendre son retour. Juste avant la fermeture de midi, il s'était approché de l'étagère, avait embrassé les deux livres qui encadreraient sa Lorna lorsqu'elle reviendrait et, après ce message d'adieu, il était rentré chez lui, en retard pour le déjeuner, le coeur vide. ... [...]
 
A la pendaison de crémaillère, chez Mrs Lippincote, Rodney s'inquiète de l'impulsivité de sa femme, capable de mettre sur le tapis à peu près n'importe quel sujet et d'en parler avec la plus grande aisance :
Citation :
[...] ... [Rodney] aurait voulu que le lieutenant-colonel rentre chez lui. Il était grand temps, outre le fait qu'Edwards et certains autres devenaient un peu bruyants et trop confiants. Mrs Fielding, le regard vitreux et accablé, demeurait assise, fascinée par Mrs Mallory, écoutait, comptait les perles, se trompait, écoutait, perdait le fil ... La tête de Roddy, quant à elle, tentait de s'envoler de ses épaules.

- "Boire ne nous intéresse pas," répliqua le lieutenant-colonel avec un égotisme magnifique. Julia fit pivoter son verre vide sur ses genoux. "Nous avons une conversation intime." Mais Roddy n'eut pas l'intelligence de s'en aller. Il ne lui venait jamais à l'esprit que sa présence pouvait parfois être indésirable.

- "J'essayais de découvrir quelque chose," dit le lieutenant-colonel, non parce qu'il s'était adouci envers Roddy mais parce qu'il savait exprimer de manière détournée ce qu'il ne pouvait dire carrément. "Votre femme me paraît mystérieuse. J'espérais découvrir le secret, ou un indice." Il regardait Julia tout en parlant.

- "Nous n'essayons pas de percer les secrets de Julia," déclara Roddy. "C'est elle qui essaie de percer les nôtres."

Pour la première fois, le lieutenant-colonel la vit affectée, contrariée. Ses mains tremblèrent sur ses genoux et se raidirent contre le pied du verre ; une marque rouge apparut sur sa joue comme si Roddy l'avait giflée. Pour atténuer sa fureur muette, Mallory s'abaissa à plaisanter. "Oh, ma chère, dites-moi quel est mon vice caché, selon vous.

- L'opium, sans aucun doute," parvint-elle à répondre d'un ton léger. ... [...]
 

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