dimanche 14 septembre 2014

André Gide (VII)


 

D'abord assez satisfait de voir le gouvernement remis entre les mains du maréchal Pétain, Gide rue presque aussitôt dans les brancards. Il faut dire qu'on lui reproche d'avoir, par son influence sur la jeunesse (!!!), contribué à la défaite. En un choeur qui paraîtrait touchant en d'autres circonstances, les journaux collabos s'empressent de faire son procès. Plus grave encore : les Allemands débarquent à la NRF, et la confie à Drieu La Rochelle.

Dans de telles conditions, Gide refuse de s'associer au nouveau comité-directeur. Il donnera un texte au premier numéro de la NRF version Débâcle mais ce sera tout. Malgré les pressions et les mises en garde, malgré les menaces aussi, il affirme dans Le Figaro sa résolution d'abandonner la NRF. Il refuse aussi le siège que lui fait miroiter l'Académie.

Il part sur la Côte d'Azur, publiant de temps à autre billets et critiques dans Le Figaro. Devant la virulence croissante des attaques qui le prennent pour cibles - avec beaucoup d'autres - après 1942, il gagne le Maghreb et Tunis. Durant l'occupation de la ville, il est le témoin impuissant et épouvanté des ravages de l'anti-sémitisme. Il finit par quitter Tunis pour Alger où il rencontre De Gaulle et accepte la direction nominale de L'Arche, revue destinée à contrebalancer la NRF.

Après la Libération, il ne rejoint pas tout de suite Paris : il redoute l'épuration et ses excès totalitaires. Bien entendu, des voix s'élèvent pour l'attaquer à nouveau, parmi lesquelles celle de l'incorrigible Aragon. Fort heureusement, Paulhan, Mauriac et Herbart prennent sa défense. Mais le monde littéraire est désormais trop politisé pour cet individualiste-né et lorsque Gide revoit Paris, en mai 1946, il se demande s'il a encore une place dans le paysage littéraire - et si oui, où elle se trouve.

Après 1947, il n'écrit presque plus. Il semble vouloir se contenter du statut d'intellectuel résolument détaché de l'actualité qu'il a toujours assumé, pour le meilleur comme pour le pire. Il songe aussi à la publication de ses dernières oeuvres, tout particulièrement à celle de son "Journal" dont le premier tome était déjà sorti en 1939. Le second paraît en 1950.

En juillet de la même année, Gide commence un dernier cahier, "Ainsi soit-il ou Les Jeux Sont Faits". C'est dans ce texte qu'on relève cette remarque pleine d'humour : " ... Je crois même que, à l'article de la mort, je me dirai : tiens ! il meurt ! ..."
Ses fidèles ne quittent plus ce malade détestable qui se double d'un despote. Mais c'est dans la paix qu'André Gide quitte ce monde le 19 février 1951, dans sa propriété parisienne, après avoir demandé à reposer auprès de son épouse.

Dès 1952, le Vatican met l'intégralité de son oeuvre à l'Index, décision qui scandalise les admirateurs du défunt et rend perplexes ses détracteurs les plus violents, peu convaincus de l'utilité de la chose.

Auteur souvent difficile, André Gide a l'écriture simple et pourtant profondément intellectuelle - mais jamais, au grand jamais intello. Même quand il aborde des questions existentielles et philosophiques, il ne songe pas un instant à recourir à un quelconque jargon. Pour lui, la langue coule de source, pourrait-on dire. Elle se doit de rester à la portée de tous ceux qui veulent venir à sa rencontre. C'est, à n'en pas douter, un littéraire - et il en est fier. Il passe pour avoir apporté de l'eau au moulin de ce qui deviendra le Nouveau Roman mais il n'est pas romancier : un romancier aime à se lâcher, à courir un peu partout la bride sur le cou ; que ce soit le résultat de son éducation protestante ou de quelque préférence innée, Gide en est incapable. Dans le domaine par contre de la non-fiction, récit et bien sûr essai, il est par contre et la plupart du temps excellent.

Un auteur que, de toutes façons, on ne saurait ignorer. Un auteur à lire bien sûr mais aussi un auteur sur lequel on s'attarde un peu plus peut-être pour méditer et songer.

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