lundi 15 septembre 2014

Stendhal

Son vrai nom était Henri Beyle et il naquit le 23 janvier 1783, rue des Vieux Jésuites, à Grenoble, une rue connue aujourd'hui sous le nom de rue Jean-Jacques Rousseau. Orphelin de mère à sept ans, l'enfant ne peut se retourner vers un père tyrannique qu'il commence à haïr très jeune. Dans sa "Vie d'Henry Brûlard", l'un de ses textes les plus évidemment autobiographiques, l'homme devenu romancier écrira d'ailleurs des pages magnifiques sur cette haine de l'image paternelle et, de façon générale, de l'image de l'Autorité patriarcale. M. Beyle Père étant dévot et ayant imposé un abbé à son fils comme précepteur, la haine profonde de l'écrivain envers la religion et ses représentants coule de la même source. D'autant que, par la suite, il sera éduqué chez les jésuites - congrégation dont il dressera un portrait impitoyable dans "Le Rouge et le Noir."

Après trois ans passés à l'Ecole centrale de Grenoble, le jeune homme monte à Paris pour y passer le concours de l'Ecole polytechnique. Mais il ajourne ses projets, tombe malade, se reprend et, pour finir, s'engage dans l'armée napoléonienne. Lors de la campagne d'Italie, il est remarqué et nommé sous-lieutenant au sein du VIème régiment de Dragons.

Après avoir démissionné, il tombe amoureux de l'actrice Mélanie Guilbert et s'établit avec elle à Marseille où, de façon très vague et fort peu motivée, il tente une carrière marchande. Nommé auditeur au Conseil d'Etat le 3 août 1810, il reprend du service dans l'administration impériale où il finira inspecteur général du mobilier de la couronne. Il suivra Napoléon jusqu'à Moscou et il verra flamber la ville devant les Français, sur l'ordre exprès qu'en donne le comte Rostopchine, père de la future comtesse de Ségur. Dans la désastreuse retraite de Russie, il perd le manuscrit qu'il avait consacré à l'histoire de la peinture italienne.

En 1814, il s'exile à Milan où il va rester sept ans, travaillant notamment sur une "Vie de Napoléon", une "Vie de Rossini" ou encore un essai intitulé "Racine et Shakespeare" où il prend position pour le Romantisme. Il a de nombreuses liaisons, parmi lesquelles Mathilde Dembowski, l'un des passions les plus importantes de son existence. En 1821, il doit cependant rentrer en France car le gouvernement milanais le soupçonne de sympathies trop vives envers les carbonari.

Stendhal prend alors pied dans les salons littéraires de la capitale française où il se découvre un ami : Prosper Mérimée qui, plus tard, se fera le champion du Second empire. Après les deux Restaurations, Charles X a succédé à son frère, Louis XVIII et les lois sur la presse, où publie beaucoup Stendhal, ne sont pas tendres. Après la parution en 1827 de son premier roman, "Armance", la "Gazette de France" n'hésite pas à déclarer : "Il est presque temps que M. de Stendhal change (...) pour toujours de manière et de style."

En 1830 pourtant, dans le grand chaos de la Révolution de Juillet que confisqueront les Orléans, éclate le premier grand succès de Stendhal : "Le Rouge et le Noir", critique amère et cynique du régime moral et bien-pensant des Ultras.

Louis-Philippe Ier redoute-t-il la plume acérée de cet écrivain-né ? Toujours est-il que, toujours matois et intimement persuadé que la routine de l'argent arrangera tout, le nouveau monarque fait nommer le sieur Beyle consul tout d'abord à Trieste, puis à Civitavecchia. On ne saura jamais si Henri Beyle est heureux de cette distinction. En revanche, Stendhal, lui, s'ennuie ferme. Entre deux voyages, comme tout écrivain qui s'ennuie, il gribouille.

Sur ces gribouillages, beaucoup, tel "Lucien Leuwen" (commencé en 1834) ne seront jamais achevés. Mais le point final est posé par contre aux "Souvenirs d'égotisme" et aux "Mémoires d'un Touriste", sans oublier cet autre chef-d'oeuvre qu'est "La Chartreuse de Parme." Et puis, en mars 1842, alors que le romancier vient d'avoir 59 ans, la Mort lui fournit le moyen de troquer son ennui et ses désillusions certaines contre une crise cardiaque et le repos éternel que sa dépouille mortelle savoure toujours au cimetière Montmartre.

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