samedi 13 septembre 2014

Julien Green



Le parcours spirituel de Julien Green est l'un des plus étonnants qui soient : né à Paris, de parents américains, il va, à l'âge de 16 ans, se convertir au catholicisme - comme d'ailleurs son père et la majeure partie de ses soeurs - après la disparition de sa mère, qui était protestante. Un an plus tard, il s'engageait dans la Grande guerre et ce qu'il vit au front le fit sombrer dans une grave crise de conscience : il perd alors la foi.

En tous cas le croit-il. Mais, comme lui-même le disait, dans une conversation, ce qui la précède est tout aussi important que l'instant même où l'on s'affirme converti. Or, Green, dont l'oeuvre tout entière ne cessera pas un seul instant, même dans ses moments de crise personnelle, d'entremêler la grande question du Bien et du Mal, celle, non moins importante, de la sexualité et même - ce qui échappe parfois aux éditions d'époque - de l'homosexualité et bien entendu la question même de la foi et du doute (le second faisant incontestablement partie de la première), Green finira par se convertir une deuxième fois au catholicisme , croyance à laquelle il restera fidèle jusqu'au bout.

L'univers qu'il se complaît à décrire dans ses romans est provincial et d'une noirceur étouffante, troué de magnifiques cascades de lumière. On pense à la fois à certains volumes de Balzac et aussi, bien entendu, à François Mauriac, auquel Julien Green devait d'ailleurs succéder à l'Académie française. Mais si Green est plus proche, par le style, de "l'Eau bénite qui fait pschitt" - surnom que Sartre donnait à Mauriac - dans l'idée et dans l'ampleur spirituel, c'est bien à Balzac qu'il ressemble.

De l'auteur de "La Comédie Humaine", il n'a certes pas cette manière incomparable - et parfois ennuyeuse parce que trop pointilleuse - du fresquiste. Mais tout comme Balzac, Green, qui ne renonce jamais à l'espoir, lequel se niche pour lui jusque dans le péché, s'élève tout naturellement vers des hauteurs que Mauriac, infiniment plus caustique (et parfois de façon éblouissante, il faut bien l'admettre) mais aussi infiniment plus méchant et matérialiste (oui ! Mauriac est matérialiste !), n'entr'aperçoit que de très loin.


Chez Balzac, le péché est noir mais splendide. Chez Julien Green, il est noir mais porte en lui le salut du pécheur. Chez Mauriac, hélas ! il n'est que noir, d'une noirceur certes parfaite mais aussi bien petite. Et ça fait une sacrée différence non seulement dans la forme de l'oeuvre mais aussi dans son destin.

Bien qu'ayant poursuivi ses études supérieures à l'Université de Virginie et parlant couramment anglais, Julien Green choisit de rédiger l'essentiel de ses textes dans la langue qui avait bercé son enfance. On lira entre autres "Mont-Cinère", "Léviathan", "Chaque homme dans sa nuit" ou encore "Moira" et bien entendu sa trilogie sur le Sud des Etats-Unis. Il a également produit un "Journal" où il se proposait si bien de tout dire qu'il ne paraîtra non expurgé qu'en ... 2048. D'ici-là, on peut toujours le consulter dans sa version expurgée, évidemment moins intéressante.

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