mercredi 24 septembre 2014

Evelyn Waugh

10 avril 1966, Taunton - Somerset (Grande-Bretagne) : décès d'Arthur Evelyn St John Waugh, dit Evelyn Waugh, nouvelliste & romancier.

Avec un père critique littéraire, Evelyn Waugh était né on peut dire dans le sérail, le 28 octobre 1903, dans l'élégant quartier de Hampstead, à Londres. Selon l'usage de sa caste, il est inscrit dans une public school de renom, la Sherborne School dont il reste, à ce jour, selon toutes probabilités, le seul élève à en avoir jamais été exclu.

La chose survint alors qu'il avait quatorze ans et après qu'il eut publié, dans le journal du collège, une nouvelle ("The Loom of Youth") dans laquelle il évoquait les pratiques homosexuelles de ses condisciples. Le texte jetant l'ombre du scandale sur la réputation de Sherborne, décision fut prise d'en expulser le trublion, lequel dut achever sa scolarité dans le moins prestigieux Lancing College.

Par la suite, Waugh s'inscrit au Hertford College en qualité d'étudiant en Histoire. Mais sa production écrite et la vie sociale et mondaine qu'il mène l'intéressent en fait bien plus que ses études, auxquelles il met fin en 1924.

Après avoir enseigné pendant un an dans une école du Pays-de-Galles, il prend ce qu'il trouve pour survivre en satisfaisant sa vocation d'écrivain. On le voit aussi bien apprenti-menuisier que journaliste et il racontera ses expériences, sur un mode éminemment satirique, dans son premier roman à succès, "Grandeur & Décadence", qui sort en 1928.
A nouveau, les milieux mondains et aristocratiques, qui lui faisaient grise mine depuis son échec scolaire, lui rouvrent leurs portes. Mais désormais, il n'est plus une dupe docile et ce milieu devient pour lui un vivier où il pêche types et ridicules pour ses romans.

Bien que l'anglicanisme pur et dur pratiqué au Lancing College l'ait rendu agnostique, Waugh éprouve des besoins spirituels qui le font se convertir au catholicisme en 1930. L'âge venant, il affirmera de plus en plus ses nouveaux principes jusqu'à en faire le thème essentiel de ses dernières oeuvres. Hélas ! le catholicisme ne lui rendra pas sa foi dans l'homme, bien au contraire : son pessimisme ira empirant.

Sa brève carrière au sein de l'armée britannique, puis son retour à la vie civile après la Seconde guerre mondiale n'arrangeront pas les choses. Tout avait pourtant relativement bien débuté, grâce à l'entremise de Randolph Churchill, fils de Winston, qui lui avait procuré un poste d'officier dans les services de Renseignements des Royal Marines. Mais Waugh s'y ennuya vite et demanda une mutation dans les British Commandos. Il se distingua d'ailleurs tout particulièrement lors de l'évacuation de la Crète, en 1941.

En raison de son âge, il fut presque aussitôt mis sur la touche. A la fin de la guerre, on jugea néanmoins utile de le rappeler pour une mission diplomatique militaire en Yougoslavie. En cette occasion, il rédige un rapport remarquable sur les persécutions subies par le clergé de la part du Parti communiste : seul problème, le rapport est discrètement "enterré", les Britanniques ayant trop besoin de leur allié Tito.

C'est donc un Evelyn Waugh encore plus désenchanté qui retrouve la vie civile, dans le Somerset, auprès de sa seconde épouse et de leurs enfants (ils en eurent sept). Le romancier s'est enfoncé depuis longtemps dans un alcoolisme aggravé par la prise d'anti-dépresseurs. Un temps, il souffrira d'hallucinations auditives, ce qu'il racontera d'ailleurs avec sa verve habituelle dans "Gilbert Pinfold."

Après avoir entendu l'une de ces messes en latin qui lui étaient si chères et reçu les derniers sacrements, Evelyn Waugh s'éteint à Pâques, le 10 avril 1966.

Outre ses recueils de nouvelles, on lira avec plaisir nombre de ses romans, depuis "Grandeur & Décadence" jusqu'à "Le Cher Disparu" en 1948 ou "Officiers & Gentlemen", sept ans plus tard. Sans oublier l'intégrale - très savoureuse - de son "Journal", publiée après sa mort, dans les années soixante-dix et ses récits de voyages - car Waugh consacra pratiquement toutes les années trente au voyage et à l'écriture.

Le style de Waugh se distingue par une pratique à la fois épurée et raffinée de l'anglais, ce qui condamne son lecteur soit à le lire en V.O., soit à rechercher "la" traduction par excellence. Quant au ton, il est à la fois cynique, insolent, pince-sans-rire, mordant, subtil ... et noir, sans doute. Mais comme on s'amuse en général pas mal en le lisant, on ne s'en rend compte que bien après avoir refermé ses livres.

A noter pour les curieux que le fils de Waugh, Auberon, a évoqué son père d'une façon que celui-ci n'aurait certainement pas reniée dans "Mémoires d'un Gentleman Excentrique", parus en 2001.

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