mercredi 24 septembre 2014

Daphne du Maurier

Elle naquit à Londres, le 13 mai 1907 et était la fille de l'acteur et metteur en scène de théâtre sir Gerald du Maurier. Son grand-père n'était autre que le célèbre satiriste et caricaturiste de Punch, George du Maurier, par ailleurs grand ami de Henry James et auteur de "Trilby." Son arrière-arrière-grand-mère maternelle (dont elle a conté le destin dans "Mary Ann" - Mary-Ann Clark avait été la maîtresse de Frédéric-Auguste, duc d'York et d'Albany, fils de George III et frère de George IV d'Angleterre. Enfin, elle était la cousine des frères Llewelyn-Davies qui ont servi de modèles pour le personnage de Peter Pan, créé par James M. Barrie.

Avec de tels antécédents, la jeune Daphné ne pouvait que se destiner à une carrière littéraire.
Son premier roman, "La Chaîne d'Amour", paraît en 1931. Mais le succès n'arrive réellement qu'en 1936, avec "L'Auberge de la Jamaïque" qui sera bientôt porté à l'écran - en 1939 - par Alfred Hitchcock avec Maureen O'Hara et Charles Laughton dans les rôles principaux. Et puis, deux ans plus tard, paraît le roman que l'on tient pour son oeuvre maîtresse : "Rebecca" dont David O'Selznick une fois encore rachètera les droits et qui permettra à Hitchcock - encore lui - de façonner l'une de ses plus belles réussites. Son auteur l'adaptera d'ailleurs pour la scène.

Outre des pièces de théâtre et des nouvelles - dont certaines ont paru en français au Livre de Poche sous le titre "Les Oiseaux", la nouvelle qui inspira à Hitchcock son film éponyme mais cette fois-ci en couleur - Du Maurier a également écrit d'autres romans comme "Ma cousine Rachel", qui sortit en 1951 ou "Le Bouc-Emissaire", l'une de ses dernières oeuvres, en 1982. Elle est aussi l'auteur d'une biographie sur son père, sir Gerald, d'une autre, assez renommée, sur Branwell Brontë : "Le Monde Infernal de Branwell Brontë" et a consacré au moins un volume aux origines françaises de sa famille : "Les Du Maurier" - sans oublier "Les Souffleurs de Verre."

L'un des thèmes cruciaux de "Rebecca", dont nous parlerons plus bas, est la relation pour le moins ambiguë que celle-ci a nouée très jeune avec Danny Danvers, sa "gouvernante." C'est un aspect qu'a admirablement saisi Alfred Hitchcock - la fameuse scène où Mrs Danvers-Judith Anderson, en plein délire, exhibe les toilettes et la lingerie de Rebecca devant la seconde Mrs de Winter-Joane Fontaine, demeure un sommet de l'oeuvre hitchockienne et l'un des coups les plus traîtres jamais portés au Code Hayes - à qui son passé britannique pouvait avoir soufflé quelques rumeurs assez désagréables sur les préférences sexuelles de Daphné du Maurier.

En 1932, elle avait cependant fait un beau mariage en épousant le Lieutenant-Général sir Frederick Browning.
Le couple eut trois enfants : deux filles et un garçon envers lesquels la mère ne semble pas avoir manifesté une particulière affection. Mais n'était-ce pas là l'héritage de sa jeunesse edwardienne ?

Ce qui ne semble en revanche passible d'aucun démenti, ce sont les liaisons, platoniques ou pas, qu'elle a entretenues avec l'actrice Gertrude Lawrence et Ellen Doubleday, femme de l'éditeur américain, et qui ressortirent au grand jour après la mort de la romancière. Dans ses mémoires, celle-ci explique d'ailleurs que son père avait souhaité qu'elle fût un garçon et que, en dépit de l'amour qu'il lui avait porté, elle n'avait cessé de "se penser" par la suite comme un garçon. Il faut aussi tenir compte de son enfance, brillante s'il en est, qui vit défiler chez ses parents le gratin du monde artistique et théâtral de l'époque où l'homosexualité et le lesbianisme étaient choses courantes - pour ne pas dire courues. Et pourtant, ironique paradoxe, Gerald du Maurier se voulait homophobe.

Enfin, dans une correspondance qui fut confiée après sa mort, survenue en 1989, à sa biographe officielle, Du Maurier explique à quelques personnes de confiance que sa personnalité était double : d'un côté la mère et l'épouse aimantes et attentionnées (son côté social) ; de l'autre, l'"amant" qu'elle définit elle-même comme une énergie purement masculine qui se dissimulait soigneusement, sauf dans ses écrits. Certains de ses romans - "Le Bouc-Emissaire" ou "La Maison sur la Plage" - sont d'ailleurs écrits par un homme et à la première personne.
 Les critiques littéraires ne sont pas toujours tendres avec l'oeuvre de Daphné du Maurier, considérée comme de la littérature "féminine" ou encore un peu "à l'eau de rose." Ce n'est pas là raisonner en véritables littéraires et l'on se demande parfois si ces messieurs - et dames - ont pris la peine, tout simplement, de lire vraiment l'un de ses textes.

Du Maurier est tout d'abord l'héritière moderne du conte gothique dans toute sa gloire
qu'elle a su épurer des outrances d'un Walpole ou d'une Radcliffe ainsi que des prêchi-prêcha que l'on rencontre un peu trop dans ce roman gothique par excellence qu'est "Jane Eyre."

En tant que romancière historique et d'un point de vue purement technique, elle se défend tout aussi bien avec des ouvrages comme "Le Général du Roi" ou "La Fortune de Sir Julius."

Enfin, nombre de ses nouvelles sont aussi insolites que celles d'un Bradbury quand elles ne sont pas franchement fantastiques (je pense au "Pommier" par exemple ou à "Don't look now").

Un auteur donc, vous le voyez, pas si facile à cataloguer qu'on le prétend.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire