mercredi 1 octobre 2014

Quatre Soeurs (ou Bruine de Neige) - Tanizaki Jun'ichirô


Sasame Yuki
Traduction : G. Renondeau

Notre Avis
Personnages


L'évocation du hanami par Tanizaki :
Citation :
[...] ... Lorsque vint l'époque, on discuta pour savoir quel jour serait le plus convenable pour voir les fleurs dans toute leur beauté. Il fallait choisir un dimanche, à cause de Teinosuke [époux de Satchiko] et d'Etsuko [leur fille]. Les trois soeurs avaient peur de la pluie et du vent, tout comme les anciens, dont Satchiko avait trouvé jadis les craintes tellement vulgaires. Il y avait bien des cerisiers autour d'Ashiya et on pouvait en contempler un grand nombre par les fenêtres du tramway Osaka-Kobe ; ce n'est pas seulement à Kyôtô qu'il s'en trouvait mais, de même que Satchiko estimait qu'il n'y avait pas de daurades supérieures à celles d'Akashi, elle s'imaginait qu'elle n'avait pas vu les fleurs de cerisier si elle n'avait pas contemplé celles de Kyôtô. Au printemps précédent, Teinosuke avait hasardé que, pour changer, on pouvait aller au pont de Brocart ; mais après leur retour, Satchiko avait eu l'air d'avoir oublié quelque chose ; elle avait l'impression que ce printemps-là n'était pas un vrai printemps ; elle avait pressé Teinosuke d'aller à Kyôtô, où ils étaient arrivés encore à temps pour voir les cerisiers d'Omurô. Leur programme habituel était celui-ci : départ le samedi après-midi, dîner de bonne heure au restaurant de la Gourde, puis, après avoir vu les danses auxquelles ils ne manquaient jamais d'assister, en revenant, ils contemplaient les cerisiers de Gion aux lumières ; ils passaient la nuit à l'hôtel ; le lendemain, ils allaient à Arashi-yama ; ils consommaient dans une auberge le repas froid qu'ils avaient apporté et rentraient en ville l'après-midi, pour voir les cerisiers du temple de Heian. Alors, Etsuko s'en retournait avec ses deux jeunes tantes, laissant Teinosuke et Satchiko passer encore une nuit à Kyôtô. Ainsi se terminait l'excursion. Satchiko laissait pour la fin les cerisiers du temple de Heian parce qu'ils étaient les plus beaux de l'ancienne capitale ; leurs fleurs étaient les plus splendides. Le grand cerisier pleureur de Gion était vieux maintenant ; d'année en année, la couleur de ses fleurs s'affaiblissait. En vérité, il n'y avait qu'à le regretter, mais il n'était plus le représentant du printemps de Kyôtô. Alors, quand Satchiko, dans l'après-midi de leur deuxième journée, revenait des environs de Kyôtô, un peu fatiguée par une demi-journée de promenade et n'ayant plus guère la force de marcher, elle choisissait le moment mélancolique où le soleil du printemps va se coucher pour errer sous les branches fleuries du jardin de Heian, et elle contemplait chaque arbre avec amour, celui qui est au bord de l'étang, cet autre à l'entrée du pont et celui qui se trouve au coude du chemin, ceux qui sont devant la galerie. Quand elle serait rentrée à Ashiya, pendant toute une année, jusqu'au printemps prochain, elle n'aurait qu'à fermer les yeux pour revoir la couleur et les formes des branches fleuries. ... [...]
 
 Un prétendant, parmi d'autres, à la main de Yukiko, et un petit aperçu des difficultés à demeurer naturel pour tout le monde lorsqu'on assiste à une première entrevue entre les candidats au mariage :
Citation :
[...] ... Quand ils étaient entrés dans le hall [du restaurant], Satchiko et son mari avaient remarqué, assis seul, un monsieur qu'ils reconnurent pour le personnage de la photo. Il écrasa nerveusement dans le cendrier la cigarette qu'il avait commencé de fumer, et se leva. Il était plus râblé qu'ils ne le supposaient, il avait l'air plus solide, mais, ainsi que Satchiko le craignait, il paraissait plus âgé que sur sa photo ; son visage était terne, couvert de petites rides, il avait l'air d'un vieux mal tenu. On n'avait pas pu en juger d'après sa photo mais, s'il n'était pas chauve, ses cheveux étaient plus qu'à moitié blancs, rares, hérissés, mal peignés. Bien qu'il ne fût que de deux ans plus âgé que Teinosuke, il paraissait dix ans de plus que lui [ce qui revient à dire qu'il fait largement cinquante ans.] Comme Yukiko en revanche avait l'air de sept à huit ans plus jeune que son âge réel, on les aurait pris tous deux pour le père et la fille. Satchiko se sentait coupable d'avoir entraîné sa soeur dans cette entrevue. Les présentations terminées, les six personnes se réunirent sans façons autour d'une table pour boire du thé. La conversation s'établit mal ; il y eut, de temps en temps, des silences ; Nomura [le candidat au mariage] était difficile à pénétrer. Le ménage Jimba, qui faisait office d'intermédiaire, aurait dû intervenir mais ils paraissaient gênés vis-à-vis de Nomura ; ils se sentaient raides devant lui. Sans doute Jimba devait-il témoigner du respect au cousin de Hamada, son vieux bienfaiteur, mais ce sentiment semblait dépasser l'obséquosité. D'ordinaire, Teinosuke et sa femme entretenaient habilement une conversation languissante, mais aujourd'hui, Satchiko manquait d'entrain, et Teinosuke, sous l'influence de sa femme, était taciturne. [Tous deux sont préoccupés car Satchiko relève d'une fausse couche.] ... [...]

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