mercredi 1 octobre 2014

Le Pont Flottant des Songes - Tanizaki Jun'ichirô

Yume no Ukihashi
Traduction : Jean-Jacques Tschudin
Notre Opinion

Personnages

Le père de Tadasu apprend à son fils qu'il souhaite se remarier :
Citation :
[...] ... "Je ne sais pas ce que tu penses de la personne qui est venue jouer du koto mais, après mûre réflexion, en songeant aussi bien à ton avenir qu'au mien, j'aimerais qu'elle m'épouse et vienne habiter avec nous. Tu vas bientôt entrer en troisième année [grosso modo, correspond au CE2 français], alors j'aimerais que tu essaies de bien comprendre ce que je dis. Comme tu le sais, personne ne m'était plus cher que ta maman qui est morte. Si elle était là, bien en vie, ton papa n'aurait besoin de rien de plus. Après que ta maman nous eut quittés de la sorte, je suis resté longtemps sans vraiment savoir ce qu'il serait bon de faire jusqu'à ce que, par hasard, je fasse la connaissance de cette jeune femme. Je crois que tu ne te souviens pas clairement du visage de ta maman, mais je t'assure que tu comprendras un jour que, sur de nombreux plans, cette personne lui ressemble. Quand je parle de ressemblance, je ne veux pas dire être le portrait vivant de l'autre parce que ça, il ne faut pas s'attendre à le trouver chez les hommes - sauf pour les jumeaux ou des cas de ce genre. Non, ressembler à quelqu'un, ce n'est pas cela ! Mais si tu regardes l'expression de son visage, sa manière de parler, de se tenir, et cette nature, douce certes, mais aussi sereine et profonde, alors sur tous ces plans-là, tu verras combien elle ressemble à ta maman. Tu sais, ton papa n'aurait jamais songé à se remarier s'il n'avait rencontré quelqu'un comme elle ! C'est précisément parce qu'une telle personne existe que j'ai pu désirer le faire. Qui sait, c'est peut-être maman qui, pensant à ton avenir et à celui de ton papa, a fait en sorte que cette rencontre se produise ! Si cette personne acceptait de vivre dorénavant avec nous, combien cela t'aiderait à grandir ! De plus, comme nous avons maintenant commémoré le troisième anniversaire ( 1 ) de la disparition de maman, je pense que le moment serait bien choisi. Dis, Tadasu, tu comprends bien ce que je veux dire ?

(...) Bon, puisque tu as tout compris, il y a encore une chose que j'aimerais t'expliquer. Une fois que cette personne sera avec nous, je voudrais que tu ne penses pas que c'est une deuxième maman qui est venue, mais que c'est ta maman, celle qui t'a mis au monde, qui vit toujours et qui est revenue après avoir fait un long séjour quelque part ! D'ailleurs, même si je ne te le disais pas maintenant, tu finirais tout naturellement par le penser un jour. Tes deux mamans se fondront en une seule, et tu ne pourras plus les différencier. Ta maman s'appelait Chinu, et ta nouvelle maman s'appellera aussi Chinu ! Et de plus, elle fera tout comme l'aurait fait ta première maman, elle agira comme elle et te parlera comme elle."

( 1 ) : le sankai-ki, la troisième célébration qui prend place deux ans après les funérailles. ... [...]
 

L'un des passages les plus importants du livre - si ce n'est le plus important, peut-être :
Citation :
[...] ... Bien que n'étant qu'un amateur, j'ai écrit ce récit - provisoirement intitulé "Le Pont Flottant des Songes" - comme on rédige un roman, mais tout ce que j'ai rapporté jusqu'ici renvoie à des épisodes authentiques ayant pris place dans le cadre familial, sans qu'aucune intervention vienne s'y mêler. Si on me demandait dans quel but j'écris ce texte, je serais bien incapable de répondre. Je n'écris pas particulièrement dans l'espoir d'être lu. Pourtant, bien que ce récit ne soit pas destiné à être lu par qui que ce soit de mon vivant, l'idée qu'après ma mort il tombe sous les yeux d'un certain nombre de personnes ne me gêne aucunement, encore que, s'il tombait en poussière sans que personne l'ait jamais lu, je n'en éprouverais aucun regret. Simplement, je suis passionné par l'écriture elle-même, et j'éprouve un immense plaisir à me pencher sur les événements du passé et à tenter de les faire revivre un à un. Je peux certes affirmer que tout ce qui est rapporté ici est strictement véridique, exempt de la moindre invention, de la moindre déformation, la vérité a néanmoins des limites, et il y a une ligne au-delà de laquelle on ne peut plus l'écrire. Aussi, bien que je n'invente rien, je ne livre pas pour autant toute la vérité. Il se peut que, par respect pour mon père, pour ma mère, pour moi-même aussi, et pour d'autres encore, je laisse de côté une partie de cette vérité. Certains diront que ne pas raconter toute la vérité, c'est déjà mentir ; je ne me risquerai pas à les contredire, c'est leur façon de voir les choses. ... [...]
 

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